Les guitaristes italiens
Giuseppe Ielasi et
Nicola Ratti renouent avec la musique concrète à travers
Bellows, leur projet commun.
Reelin' est leur troisième réalisation.
Ceux qui ont déjà posé une oreille sur la musique de
Bellows ne seront pas surpris. Ceux qui suivent la trajectoire de
Giuseppe Ielasi depuis un moment le seront encore moins. En effet, l'électron libre italien a montré depuis un certain temps maintenant un vif intérêt pour les expériences sur supports de la musique concrète, que se soit en live ou sur Cd (voir sa récente trilogie
Stunt). Quant au duo
Ielasi/Ratti, il s'intéressait déjà à déconstruire et reconstruire le son altéré par lui de vinyles 78 tours, sur
Handcut, leur précédent essai. Finalement le geste est le même sur
Reelin', étendu à une variété de supports, non plus seulement aux platines vinyles, mais aux lecteurs à bandes magnétiques, walkmen et pédales d'effets. Ce qui change, c'est la manière dont les deux hommes s'aménagent un vrai espace de liberté, affranchi de l'influence vampirique des travaux de
Philip Jeck.
Flirtant allègrement avec les expériences de la musique concrète, les deux artistes italiens n'en réinventent pas moins des idées musicales qui nous ramènent aux années 90 et à une certaine vision de la musique électronique. Par exemple, sur le premier titre de l'album où les deux hommes désintègrent les rouleaux d'un dub façon
Rhythm & Sound dans un blizzard de bruits blancs. Ailleurs, c'est une ambient à la
Biosphere, période
Substrata, qui explosent en scories avant d'être savamment recombinée par leurs soins. En détricotant ainsi jusqu'au squelette l'art du maître norvégien, le duo italien livre ses meilleurs compositions. La quatrième piste et la plus longue du Cd retient particulièrement l'attention. Comme les six autres présentes sur
Reelin', cette pièce est construite à partir d'une boucle de sons trouvés (ici le bruit d'un sonar), une trame ultra-minimaliste que les deux hommes explorent en profondeur, malmènent parfois pour suggérer des climats assez troublés.
Reelin' apparaît en fait comme une mosaïque sonore, un album puzzle qui ouvre la porte d'univers pluriels et éclatés. On le parcourt en passant d'une bulle à une autre, l'auditeur étant invité à flâner de piste en piste, à choisir son propre chemin dans ce dédale de propositions toujours très abstraites et atmosphériques. Là réside tout l’enjeu de
Reelin', disque poétique, qui privilégie l'ambiance plutôt que les moyens employés pour la provoquer. Pour atteindre cet objectif, les deux musiciens optent pour un sens de l'épure jusqu'au-boutiste, qui les contraint à faire preuve d'une maîtrise totale, à la fois technique mais aussi sensitive. Cette fois, leur angle d'attaque est imparable.