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So Percussion

: Amid The Noise



sortie : 2006
label : Cantaloupe
style : Musique contemporaine / Musique électronique

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Tracklist :
01/ June
02/ White
03/ Work Slow Life
04/ May
05/ September
06/ Go
07/ What The Hell
08/ Old
09/ Fire Escapes
10/ July
11/ March
12/ February

En ce moment, il se passe deux choses — et, c'est à peu près tout. Moi (c'est la première) qui essaie péniblement d'écrire une critique lisible sur le terreux Field Songs de William Elliot Whitmore, et qui logique (sinon je n'en parlerais pas, je le ferais) n'y arrive pas — ce qui me rappelle comment j'avais lamentablement échoué à parler de sa séance Latitudes un certain nombre d'années plus tôt — je vieillis. Et (c'est la deuxième), moi qui contemple la pile de disques à critiquer, les mails plus ou moins lus de sollicitations critiques (critiques, ça va de soi, critiques, on ne me demande pas mon avis sur le PS, le FN, DSK, l'UMP, pourtant, j'en aurai des choses à dire, mais tout le monde s'en fout, moi aussi, finalement, du coup), etc. À ce moment, je sais que je devrais sortir, mais l'air est trop moite à Paris en ce début de mois de septembre, alors ma contemplation se diffracte, je glisse lentement de la pile de disque au morceau de mur en face de moi, blanc, et je pense : après tout, peut-être que je n'aime pas la musique, après tout, peut-être que je n'ai jamais vraiment aimé ça, mais comme il faut bien parler de quelque chose, peut-être que j'ai choisi de parler de la musique, mais après tout la musique n'a pas besoin de moi, et moi, est-ce que j'ai vraiment besoin de la musique ? Comme quoi, quand on ne sait plus quoi dire, on dit vraiment n'importe quoi, c'est ce que je pense. Ce que je pense, après tout, c'est vrai, ça n'intéresse personne, mais là, dans cette pièce, en ce moment, c'est bien la seule chose que je peux dire. Je mange un disque de plus. Rien. Il y a bien douze disques qui y passent, mais : rien. C'est tout. Rien. Pas l'ombre d'une émotion, pas l'ombre d'une colère, pas l'ombre d'un ressentiment, pas l'ombre d'un frisson, pas l'ombre d'une exclamation — mon Dieu, mon Dieu, dans quel but m'as-tu donné des oreilles ?— rien, mais vraiment — simplement : mais pourquoi tout le monde fait la même musique ? Pourquoi ? Si j'étais quelqu'un d'intelligent, j'aurai une théorie socio-anthropo-logique du devenir même de la musique. Mais, non, je suis un con. Je ne sais rien, je ne comprends rien, je n'aime rien. Même pas le fait d'être là à ne rien savoir, à ne rien comprendre, à ne rien aimer. Là hélas et las vraiment.

Alors, comme ça se passe parfois dans ces moments-là, quand rien ne se passe, on redécouvre un disque dont on s'était promis de parler, mais qu'on avait abandonné, non parce qu'on n'y croyait plus, mais parce qu'il nous semblait au-dessus de nos forces. Or, des forces, à ce moment-là, on n'a que ça. Seulement, ça, elles n'attendent que ça : que nous mettions la main sur quelque chose qui vaille la peine de les y consacrer. Alors, on s'en sert, pour ce disque qui nous sort de notre torpeur, malgré tout. C'est dans une liste de lecture — il suffit donc d'appuyer sur lecture. Ça y est. Ou presque. Mais quoi ?

Ce disque, minimaliste, au sens reichien du terme, qui refait surface. Dans toute cette confusion, dans tout ce bruit, vain, dispensable, au milieu de tout ce bruit et de toute cette confusion Amid The Noise, soudain, c'est ça. Work Slow Life, c'est le génie même. Non pas sorti d'une lampe, mais du cerveau de Steve Reich. Beat, et percussions, les marimbas sont de rigueur, en phase avec le rythme, et puis qui font des phases, c'est entendu ailleurs, la gradualité du processus, mais ici ça sonne comme le glas, pas de la musique, mais du minimalisme, qui n'a d'ailleurs jamais existé : notes qui se tiennent, notes qui se dispersent dans le même mouvement, notes qui existent en elles-mêmes, et indépendamment d'elles-mêmes, qui résonnent enfin longuement. L'electro nécessaire peut sembler de trop, parfois. Mais, puisqu'elle est là, on l'appréhende, et, à mesure, que les percussions la déforment, on apprend à l'aimer presque malgré elle. En septembre, c'est ça (September). Ou à un autre moment de l'année, mais maintenant, en septembre, c'est mieux puisque c'est maintenant que j'écris. On entend encore les croisements entre Tortoise et ledit minimalisme, comme si une certaine vérité de la musique se lovait là, dans cette entente entre le beat et le beat, entre le rythmique et le géométrique, entre la spontanéité mathématique de l'un et la rigueur mathématique de l'autre (What The Hell). Tout ça, ce n'est pas la même chose. Mais, tout ça, ça peut se faire entendre de la même manière. Tout ça, c'est une question de manière.

Ainsi, tout se passe comme si entre Tortoise, Steve Reich et So Percussion, la manière était toujours la même. Tout ça, c'est une histoire de son, une histoire de façon de faire entendre les sons. En juillet, c'est différent de février. Plus qu'une histoire de son, c'est peut-être une histoire de saison. Une histoire de la façon dont le son sonne en fonction du temps — qu'il fait. Ce qu'ils font, So Percussion, avec le son, c'est en fonction des saisons, comme du son. July, March, et February sont des variations sur le climat, autant que sur le temps qui passe, autant que sur le temps qui se dilate, autant que sur les périodes de nos vies que nous confondons les unes avec autres, les histoires que nous mélangeons, et que nous ne distinguons qu'à force de musique. Ce sont des images d'une ville, la perception que l'on a d'une ville, de New York, mais ce pourrait être une autre grande métropole, ce pourrait Tokyo, ou ailleurs (mais pas Paris, par exemple), en fonction des différentes saisons. Dans le bruit de la ville, le bruit de la ville n'est pas le même en fonction des saisons. Il est sec. Il est humide. C'est l'atmosphère de la ville qui devient celle de la musique (June).

La musique minimaliste n'a sans doute jamais existé. Mais son spectre, lui — c'est-à-dire : sa fiction — continue de hanter la musique. Que ce soit chez Tristan Percih ou chez So Percussion, ce spectre, c'est une certaine idée de la répétition, une volonté de jouer toute la musique entre la différence et la répétition. Et de la jouer si bien qu'on ne demande finalement qu'une chose : que cette fiction existe encore.

Chroniqué par Jérôme Orsoni
le 21/09/2011

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