Au moment où on commence curieusement à fatiguer de l’écoute des nombreuses productions qui ont pu nous faire vibrer durant cette nouvelle saison musicale 2010/2011, la découverte du nouvel album de
Pat Jordache vient nous sauver d’une profonde sensation de léthargie. Une réponse salvatrice procurée par l’écoute de ce disque autoproduit et réédité par le prestigieux label Constellation, qui au passage a su tourner la page
Godspeed You! Black Emperor, en accueillant à l'image de
Clues d'autres petits prodiges de la scène canadienne.
Pat Jordache aka Patrick Grégoire fait œuvre d’éclectisme et de cette spontanéité si caractéristique d’un premier album : une manière d’enregistrer ou de concevoir la musique sans à priori, sans plan de route, sans réelle structure, sans une idéologie préconçue de la musique et de l’œuvre qu’on entend proposer. D’ailleurs, on ne parle pas d’ « œuvre », en ce qu’il s’agit de la volonté de concevoir un travail artistique destiné à la postérité lorsqu’on produit son premier album, et d’autant plus quand à l’image de
Bon Iver et de son
For Emma, Forever Ago, on l’enregistre seul avec les moyens du bord.
Pat Jordache ne semble pas avoir rédigé de plan, d’architecture ni dans cet album ni dans sa musique. Et c’est tant mieux.
Tout est bienvenu, tant que cela fonctionne, et cela fonctionne très bien. On est ravi de voir se côtoyer le spectre du blues africain et son sens de la répétition (décidemment bien à la mode, lorsqu’il est joué par des blancs-becs en chemise à carreaux, en provenance du Nouveau Monde) et le reggae (
Radio Generation), le post punk (
The 2-Step), le rock de
TV On The Radio (
Get It (I Know You're Going To), l’univers métissé et sophistiqué des
Talking Heads, la country (
Gold Bound) et la ferveur d’un
Akron Family. On change de registre d’un titre à l’autre, ou d’un mouvement à l’autre. Ici aucun complexe. On se surprend à retrouver dans la manière de produire ce
Future songs,les traits caractéristiques de
Joy Division et de
Unknown pleasures. On ne peut que s’en féliciter, d’autant plus quand on aime les univers vaporeux, noyés dans la
reverb et des delays qui sentent bon l’analogique.
La voix du canadien vient compléter ce tableau idyllique en proposant un registre associant les tonalités d’un
Damon Albarn (
Phantom Limb, Gold Bound), à celles de
Ian Curtis (
Salt On The Fields), le tout soutenu par des chœurs aux allures de
Pixies (
Radio Generation) voire de
Beach Boys (
Song For Arthur). Une voix rocailleuse, sortant parfois d’outre tombe, une voix aux accents
freak qui scindera les auditeurs en deux groupes : ceux qui détestent ce chant à moitié faux et ceux qui voient en ce dernier l’expression d’une liberté assez jouissive. Bref, l’une des (très) bonnes surprises de cette année 2011.