Il y a certaines choses que je n'aime pas trop m'avouer aimer. Je préfère les garder dans l'expectative de les partager avec ma gonzesse. Ainsi, je n'écoute pas un album pour mon seul petit plaisir "élitiste", mais "pour nous deux", ce qui est nettement plus confortable pour la conscience quand il s'agit de pop un peu catchy. En plus, si elle l'adopte, je réduis un peu plus les chances de me farcir Cindy Lauper quand elle se vernit les ongles. Bien sûr, je n'espère pas m'épargner quelques uns de ses égarements qui me font parfois saigner les tympans. Mais si je m'en tire avec un
Bright Eyes ou
The XX, je m'estimerais heureux !
J'ai pourtant dû me raviser. La voix mielleuse d'
Einar Stray, les cordes, les choeurs, le piano, aucun de ces éléments pourtant d'ordinaire si racoleurs n'ont su la convaincre. Sa sentence écrasant toute probabilité d'écouter le CD autrement que de mon propre chef, j'ai donc dû ravaler mon égo et m'y plonger comme il se doit.
Ce n'est pourtant pas ce à quoi je m'attendais. Il suffit d'écouter dans son intégralité la première pièce pour avoir le sentiment d'avoir à faire à un de ces compositeurs multi-instrumentiste de génie de la trempe de
Son Lux. L'introduction du morceau est un café bien corsé que
Cinematic Orchestra aurait offert à
Yann Tiersen. Et quand
Einar Stray profite d'un moment de répit pour poser sa voix, ce n'est que pour mieux repartir dans un long crescendo qui finit par donner au titre des élans rock rappelant presque
65daysofstatic. Les cordes sont reines, tout juste une batterie pour les accompagner. Le Norvégien limite les appareils d'amplification à une utilisation occasionnelle et purement expérimentale ; il n'en retient que les larsens. Avec
Yr Heart isn't a Heart, on revient à une pop folk plus classique mais pas dénuée de charme. Sur
Arrows, il pond un des thèmes les plus accorcheurs de l'album. A la manière de
Mùm, les voix masculine et féminine chantent à l'unisson.
We Were the Core Seeds poursuit sur la même lancée. Mais histoire d'en finir avec les ballades gentillettes,
Einar Stray la moleste sauvagement à coups de manche de guitare.
On parcourt ainsi
Chiaroscuro sans s'ennuyer un seul instant. Chaque facette qu'
Einar Stray dévoile au grès de l'album révèle une surprise à laquelle on goûte avec une certaine délectation. Les comptines simples précèdent d'autres passages plus fouillés. Et surtout,
Einar Stray ne se contente pas de poser bien confortablement ses fesses dans une complaisance popeuse, il tente, il expérimente, il met en péril ses compos. Un bel ouvrage, peut-être un brin trop poli, mais peut-on lui reprocher de vouloir bien faire les choses ?
Chroniqué par
Tehanor
le 06/05/2011