C'est un français qui se cache sous le pseudonyme de
Kingfisherg : François Boulanger. Né en 1983 près de Liège et n'aimant pas trop les études, il se met presque par hasard au sampling. Une chance pour nous. Sur sa route, le collectif liégeois
Jaune Orange le repère puis plus tard le label
Carte Postale Records sur lequel il sort deux albums passés relativement inaperçus :
The Heartspray ainsi que
Maverick Mouth. Mais François est très productif et s'investit dans divers projets, dont l'un des plus réussis est sans conteste
Cupp Cave. On lui doit une forme de hip-hop torturé par des beats électroniques taillés à la hache, avec en tête l'idée que Mickey et toute sa clique sont en train de partouzer complètement perchés.
Fire Hum, son premier essai sur le label
Wigflip, emprunte la voie ouverte par ses deux précédents opus avec cette volonté de pousser le vice encore plus loin. C'est à dire de façonner des pièces electronica mêlant l'introspection d'un
Four Tet à la beauté enfantine de
Mùm. Sauf que le résultat prend ici une tournure plus sérieuse. Influencé, sans doute, par la ligne artistique de son label,
Kingfisherg intègre dans ses compositions une forme d'ambient épuré. La production se veut plus efficace, le son plus direct. Cela n'a pas forcément rendu l'oeuvre du Liègeois plus accessible, mais les saveurs qu'elle véhicule accrochent plus facilement.
Ses morceaux dégagent une beauté charnelle qui prend au corps, sans perdre pour autant leur côté "cérébral".
Fontana Dam est une prise de conscience désenchantée.
A Thousand Miles, cet instant tragique où tu déambules dans les rues, complètement drogué, à la ramasse, et tu chiales comme un gosse, éclaboussé par une lumière glauque à s'éviscérer les tripes. Forcément, à la première écoute on reste scotché sur
Indian Mound tant son élégance glacée, simple et sophistiquée, s'avère d'une efficacité implacable.
Lorimer St. fait danser les esprits sur un espèce de rythme tribal tandis que
Howl et son étrange tempo font prendre au disque une tournure évanescente. Sous son apparente fragilité le titre insinue une tristesse obsédante. Que dire de
Yestertimes si ce n'est qu'il pourrait devenir l'astre de mes nuits ? Magnifiquement construite, la composition tient en haleine jusqu'au final où des bruissements électroniques crissent avec une précision chirurgicale. Elle apaise l'âme et révolte l'esprit en même temps. La liste pourrait être longue encore tant les titres font tous preuve de finesse et de force émotionnelle. Ajoutons une mention spéciale pour l'imparable
You Own The Night.
Ce
Fire Hum n'est pas sans rappeler la sortie du
Rounds de
Four Tet. Il me laisse l'agréable sensation de tenir un album marquant. Un album proche de la perfection, même. En soignant autant la production,
Kingfisherg parvient à maintenir une qualité constante. Il nous donne une réelle envie de s'imprégner toujours plus de sa musique. Opaques au premier abord, ses compositions au charme venimeux s'insinuent dans l'esprit comme si elle y séjournaient depuis toujours. Qu'il signe son travail sous le nom de
Kingfisherg ou de
Cupp Cave, le travail de François Boulanger est sans conteste un travail de qualité !
Chroniqué par
StellaDominique
le 09/02/2011