Quand l’Allemand
Jan Jelinek reçoit dans son studio à Berlin le Japonais
Masayoshi Fujita (
El Fog), au milieu des bruits de circulation et de chaises qui craquent, cela donne
Bird, Lake, Objects. Parenthèse enchantée et enchanteresse au sein des œuvres respectives des deux musiciens.
Malgré les apparences, c’est au vibraphoniste japonais de tenir le rôle d’éclaireur. A l’image de la toile abstraite qu’il a peinte pour illustrer la pochette de l’album, ses digressions singulières, au vibraphone préparé, évoluent sans discontinuer dans des sphères d’infinie tranquillité.
En face
Jan Jelinek dresse ses nappes électroniques retorses, fait avancer ses sonorités pop infimes et mises en boucle. Parfait écrin pour les vibrations cristallines du Japonais. A l’inverse l’Allemand peut aussi distiller subtilement quelques moments de chaos bien sentis, à même de faire chavirer le cours des divagations de
Fujita (le final
d’Undercurrent et à plus forte raison celui de
IA_AI). Ou encore d’envenimer le propos grâce aux zéphyrs électroniques qui tournoient en toile de fond de
Workshop for Modernity.
Ailleurs, les deux artistes s’aménagent des plages pour s’exprimer plus pleinement. Par exemple sur
I’ll Change Your Life où
Jelinek se place délibérément en retrait pour laisser les notes mélancoliques du Japonais emplir l’espace.
Stripped To RM renverse la tendance et voit l’Allemand digérer les improvisations de son homologue pour se fendre d’une composition toute en clic’n cuts mélodiques. Composition plutôt scolaire et qui rappelle avec insistance le standard de
Jelinek :
Loop-Finding-Jazz-Records. On ne boude quand même pas son plaisir.
C’est véritablement sur le titre
Waltz (A Lonely Crowd) que le miracle a lieu, quand les forces s’équilibrent, rentrent en osmose. En résulte une composition obsédante aux relents de jazz moderne et d’électronique finement ciselée. Un moment de grâce passé à se promener en rêve sur les sentiers d’un jardin japonais.
Un album au charme envoûtant...