L’israélien
Ran Slavin a beau se trouver excentré sur le plan géographique, il n’occupe pas moins depuis sa ville de Tel Aviv une place de choix dans le paysage européen des arts multimédia. On doit à ce touche à tout à la fois des musiques de films (certaines ont été primées), des installations, des bandes-son pour des spectacles de danse et, ce qui est sans doute le gros de son activité, des albums d’ambient-music très personnels et des métrages expérimentaux remarqués.
En 2005,
Slavin livrait d’ailleurs
Insomniac City, un essai filmique de haute tenue, accompagné d’une bande-son sorti chez Mille Plateau.
Insomniac City avec ses allures de films d’anticipation offrait une plongée schizophrénique dans les entrailles de la tentaculaire et mutante Tel Aviv, où les images entretenaient savamment le doute quant à la réalité de l’existence et de l’environnement urbain. Les premiers plans du film à l’intérieur desquels une vue satellite de la région d’Israël se resserre convulsivement sur la grande cité balnéaire, laissait déjà percevoir tout le hors champs géopolitique, historique, culturel et religieux qui allait être développé dans les albums suivants de l’artiste :
The Wayward Regional Transmissions en 2007,
Nocturnal Rainbow Rising l’année suivante, auxquels vient se rajouter aujourd’hui le petit dernier :
The Mediterranian Drift.
Pour son nouvel album,
Slavin met encore une fois en avant l’aspect visuel de sa musique, choisissant d’illustrer un tableau du peintre français Claude-Jospeh Vernet, The Shipwreck (1772). Un tableau pour le moins crépusculaire qui met en scène le naufrage d’un navire, au large dit-on, du port de Jaffa. La boucle est donc bouclée.
Tout au long de
The Mediterranian Drift,
Slavin développe une vraie intrigue, faisant glisser lentement les climats océaniques et contemplatifs des 3 premières compositions dans le trouble puis l'urgence. C’est alors tout le contexte conflictuel du Proche-Orient, comme au bord de la rupture, qui rentre par effraction dans
The Mediteranean Drit. Le calme ne précédant pas la tempête, mais la maintenant in extremis en périphérie.
Côté musique,
The Mediterranian Drift se situe dans la continuité de
Nocturnal Rainbow Rising. La guitare électrique reste l’instrument de prédilection de l’israélien qui sait toujours aussi bien comment donner vie à des textures variées et originales, qu’elles soient abstraites, c'est-à-dire très évanescentes ou plus concrètes (les arpèges lointains de
Loosing Coordinate in the Mediterranian Drift ou les arrangements de cordes plutôt complexes sur le titre final). Il n’oublie pas pour autant l’héritage du style Mille Plateaux : accidents numériques, crépitements et autres sons concassés ou inconfortables qui participent toujours fortement à faire sa marque de fabrique. Sans oublier enfin que la musique de
Ran Slavin aussi est partie prenante de ce conflit culturel entre monde occidental et oriental dont Israël est le centre névralgique, point focal de toutes les attentions. Et on ne l’avait pas aussi bien réalisé que sur ce
Mediterranian Drift sous haute tension.
Ajoutons enfin que l’album est en téléchargement libre sur le site de Cronica, les donations sont encouragées.