Troisième pièce d'une trilogie introduite par
Body Riddle,
Totems Flare s'engouffre dans le sillon tracé par
Turning Dragon. S'il ne nous épargne pas les expérimentations singulières auxquelles
Clark nous a désormais habitué, il se révèle peut-être un peu plus accessible et moins trippé que son précédent album. Jusque là, chaque production de
Clark avait toujours plus ou moins suivi une certaine évolution. De l'IDM de la période "
Chris Clark" qui lui valut d'être considéré comme le petit frère caché de
Richard D. James, il n'est resté que de vagues relents, tandis que sa musique, sur
Body Riddle, réussissait enfin à s'en démarquer par son approche nettement plus personnelle du genre.
Turning Dragon l'a sûrement poussée jusqu'à son paroxysme. Je ne veux pas dire par là que
Clark se soit parodié comme Lynch sait si bien le faire avec ses propres films, mais plutôt qu'il ait voulu explorer les possibilités de cet avatar musical de manière jusque-boutiste ; quitte à en sacrifier le plaisir de l'écoute.
Pour
Totems Flare, il n'existe rien de tel. Ce n'est ni la poursuite d'un travail entamé par
Turning Dragon, bien que des similitudes existent, ni un retour aux sonorités de
Body Riddle. En fait, on pourrait même le considérer comme un espèce de compromis entre les deux albums. Distortion et chaos d'un côté, mélodies et breaks de batterie de l'autre. Si virage il y a, il reste purement artificiel.
Clark a ajouté une nouvelle corde à son arc : la voix. Il lui applique une réverbération métallique qui lui donne une texture particulière. Ce n'est pas la couleur new wave que
Tim Exile donne à la sienne sur
Listening Tree, c'est encore autre chose. Un peu comme si l'ouverture de
Warp aux guitares donnait à ses poulains IDMistes l'envie d'humaniser leur jeu.
Totems Flare commence pourtant assez mal avec cette cadence boiteuse, une marque typiquement "
Clark" que j'ai toujours trouvé du plus mauvais effet. Ce genre d'arythmie perturbe l'auditeur et se révèle une véritable catastrophe quand on doit la souffrir en live. Heureusement, les choses s'annoncent sous un meilleur jour quand
Clark clôture cette introduction d'un bon IDM à l'ancienne. Petit à petit, on découvre le propos défendu : du gros son sous distorsion et des synthés qui chantent. Le ton se veut plus léger que sur
Turning Dragon. Qu'il s'agisse de l'espiègle
Luxman Furs, de l'entrainant
Future Daniel, ou du mystique
Talis, chaque pièce de l'album reste profondément ancrée dans la mémoire auditive. Juste parce qu'elles aspirent à garder une relative simplicité, elles se révèlent d'une efficacité redoutable. C'est sûrement à travers ce trait que l'esprit pop défendu par
Clark se manifeste le plus explicitement.
Si
Totems Flare m'a d'abord laissé sceptique, je me rends maintenant compte avoir seulement gardé un goût amer d'
Outside Plume. C'est étrange d'ouvrir un album par la piste la plus risquée. L'avantage, c'est qu'une fois la pilule passée, il ne reste que des bonnes surprises. Après un
Turning Dragon inégal et moyennement convainquant, c'est avec plaisir que l'on retrouve donc un
Clark au mieux de sa forme. Et comme chez
dMute on est des sacrés lèche-boules, on a même gratté quelques skeuds à vous faire gagner
ici. D'ailleurs, je vais de ce pas claquer le chèque que j'ai reçu de
Warp pour avoir écrit ce billet.
Chroniqué par
Tehanor
le 09/07/2009