A l’heure du tout numérisé, peut-être avons-nous tendance à oublier à quel point un artwork, ou même le titre d’un CD, peut jouer dans le ressenti que l’on a d’une musique. Je ne connaissais pas le suédois
Andreas Tilliander (alias
Mokira) avant de me lancer dans l’écoute de son dernier album,
Persona, mais la pochette du disque, intrigante, ne m’est jamais sortie de l’esprit. Et pour cause !
Persona est le titre d’un des films les plus fascinants et mystérieux d’un autre suédois, Ingmar Bergman. Son visuel, minimaliste et pâle, anonyme et charnel, y fait directement référence.
Dès lors, je le confesse : impossible de faire la part des choses, de ne pas chercher dans les sept pièces ambient de
Persona l’atmosphère inquiétante et irréelle du film éponyme. Et force est de constater que cela ne m’a mené nul part. Disons le clairement : quiconque restera piégé par cette analogie ne pourra rentrer totalement dans le disque. Cet hommage énigmatique au maître du cinéma européen ne trouve jamais de suite logique dans la musique de
Tilliander.
Celle-ci est cependant loin d’être dépourvue de qualités. On la situerait volontiers entre les textures froides et électriques de
Tim Hecker, les structures déconstruites d’
Alva Noto, et les répétitions évanescentes de
William Basinski. Le disque ne constitue en fait qu’un seul et même bloc. Il est parcouru sans cesse de motifs obsédants qui figurent presque le ressac d’une mer menaçante. Les nombreux détails dont recèle cette production finissent par conférer à chaque morceau une certaine complexité formelle, un pouvoir évocateur indéniable. Les percussions métalliques et étouffées, que l’on peut entendre sur le titre introductif
About Last Step And Scale, illustrent bien l'idée. On y devine les derniers signes de vie de matelots prisonniers de la carlingue d’un sous-marin se perdant dans les abysses.
Plus loin,
Andreas Tilliander créé la surprise. Il intègre à partir de
Contour des sonorités dub, les décline avec plus d’efficacité encore sur le titre suivant
Valla Torg Kraut, l’une des pièces les plus abouties de l’album.
L’attraction centrale de
Persona restera sans doute les longues circonvolutions du bien nommé
Oscillations And Tremolo. Elles nous font sortir de l’abstraction des plages précédentes pour se rapprocher de textures plus concrètes et découpées, sans toutefois nuire à la cohérence de l’album. Un pari risqué mais réussi.
Au final, cette dernière livraison d’
Andreas Tilliander, sous le nom de
Mokira, se distingue par son côté hybride. Elle navigue entre rêveries subaquatiques et des phases de tension plus palpables. Si
Persona ne créera sans doute pas l’évènement, il est le parfait compagnon pour vos nuits de sommeil rendues difficiles par la chaleur de l’été.
par Pandémik (le 06/09/2010)
En effet le nom du dernier titre est pas le bon. Je vais corriger ça, merci pour l'info!
par hash (le 05/09/2010)
Je sais pas si vous avez le bon nom pour le dernier titre de l'album, alias "Invitation to Love" mais pour moi, c'est le plus magnifique morceau de l'album, il a un coté mélancolique, une atmosphère, une beauté...