Ils ont tout compris. Ou presque. Le tout est dans le presque. C'est ce qu'on va savoir. Ou presque : s'ils avaient tout compris, ils ne feraient que ça : imiter. Or, c'est comme s'ils n'avaient pas voulu tout comprendre, comme s'ils avaient voulu garder un peu du mystère, du mystère de cette ville, de cette région, de cette époque. De cette époque, ils ont fait ce qu'ils ont voulu.
C'est un hommage et ce n'est pas un hommage.
Il y a cette voix de femme qui, en un peu plus qu'un murmure, susurre les noms des groupes. Liste somptueuse, énoncée avec précision. Dans le fond, un banjo qui égrène des notes insensées. Un récit, on devrait le dire : "autobriographique". Un voyage : "des champs / de l'eau / chicago". Sans doute, un des meilleurs trajets que la musique ait connu : Louisville — Chicago. La chanson se meut, se transforme, voyage elle aussi à sa manière. Il n'y a rien d'inouï.
Mais, l'inouï, c'est bien entendu, n'aura jamais été le but de cette musique-là. Plutôt, une manière de transposition de la musique américaine dans un idiome qui lui est étranger. Une manière d'écho. Une manière d'écho, oui, c'est ça. Un son qui revient, modifié. Un son qui revient, qui n'est plus le même que lui-même. Un son qui résonne bien longtemps après qu'il s'est fait entendre tout d'abord et qui continue d'exister en sa façon propre.
Sauf qu'ici, dans cet écho, la musique n'est pas atténuée. Elle est modifiée. Ce sont des bruits blancs et des bip qui, improbables, forment un rythme. Ce sont ces mêmes bruits qui donnent le motif pour un violoncelle, qui lui-même donne le motif pour un rock rageur, qui lui-même, non : stop (
A silent effort). Tout le monde peut l'entendre. Comme ces riffs de basse et de guitare, voix qui passe du français à l'anglais, batterie qui relance le tout (
The only thing to come is the sea), ces sons electro qui résonnent infatigables et arythmiques comme un cœur (
Forest (for Maria Kotalska)). C'est à dire : poème poème poème poème que la musique composée par
Olivier Cavaillé et la voix de Felicia Atkinson.
Il y a du paradoxe aussi dans cette histoire de
Louisville : que la France, le pays occidental anti-américaniste par excellence (le capitalisme, la société de consommation, l'impérialisme, except : Barack, on connaît la chanson), soit ce même pays qui ne cesse de se tourner vers l'Amérique pour s'y trouver des racines. Parfois, avec bonheur. En l'occurrence :
A silent effort in the night.
Chroniqué par
Jérôme Orsoni
le 25/05/2009