Oh My Satan est le deuxième album de Passe Montagne. C’est court, direct, d’une efficacité affolante et en même temps cette musique est tortueuse, inattendue, emprunte cent directions différentes en deux minutes et va là où on ne l’attend jamais. Malicieux, surprenant, roublard, drôle (jeux de mots : 98% cuir, 2% sky, More Mormon, Vice Is Good) ou titres à la limite de l’absurde : La loi c’est la loi, Positive Manouche). Les morceaux sont instrumentaux, anguleux, percutants : il faut bien multiplier les qualificatifs pour cerner cette musique qui n’arrête pas de se dérober, à la fois trop simple et trop complexe pour que l’auditeur saisisse sa facture.
La formule est simple : deux guitares (Samuel Cochetel et Gilles Montaufray), une batterie (Julien Fernandez, de Chevreuil, et co-fondateur d’Africantape) ; la musique est brute de décoffrage, les guitares saturent l’espace sonore et forment un mur épais, une texture électrique dense, tandis que la batterie martèle son propos fuyant avec conviction, et emporte tout sur son passage (Jupiter et la rythmique métronomique de son intro). En ligne de mire : hargne du MC5 (Premier flocon, avec ses breaks et ses roulements et ses guitares stridentes, ou 98% cuir, 2% sky), ampleur de Led Zep, évidence mélodique des Who (Tractor Operator, qui pasticherait presque Baba O'Riley), pour un album qui s’abreuve autant à ces glorieux modèles qu’aux franges plus secrètes du rock contemporain. Quelques ex-cursus font leur apparitions : bruitisme et larsens dans Bruxelles Magasin4, raclements de médiator sur les cordes dans Lowcost Deluxe, aérations arpégées dans 98% cuir, 2% sky.
Cet album déploie une telle énergie qu’on les croirait plutôt six que trois. C’est sûrement la plus grande force de ce trio : pratiquer un minimalisme si puissant qu’il finit pas sonner comme un maximalisme, hérissé, toute énergie dehors. Cette musique chaotique et en même temps rythmiquement très complexe ne s’interdit aucune subtilité dans son déploiement d’énergie : ainsi cette descente harmonique très pop dans l’intro de Positive Manouche, ou ces petites percussions sur certains titres (La loi c'est la loi).
En fin de compte, Oh My Satan, court, léger, fait partie de ces enregistrements qui choisissent de ne pas s’appesantir en longueurs inutiles et qui gagnent, donc, à être réécoutés fréquemment. Un disque d’une puissance écrasante, avec lequel Africantape devrait se tailler une place de choix dans le paysage math rock et indé européen. On suit l’affaire de près, et on vous encourage vivement à faire de même !