Après avoir gagné ses galons de nouvelle référence de la scène indie U.S., avec son second album
Cryptograms,
Deerhunter est de retour avec un projet d’autant plus ambitieux qu’il propose de découvrir deux nouvelles productions concomitantes :
Microcastle et
Weird Era Cont, disponible dans une édition double CD.
Le groupe de
Bradford Cox s’était déjà illustré en 2007 en proposant outre cet album deux EP, intitulés
Fluorescent Grey EP et
Whirlyball 7", qui témoignaient non seulement de l’incroyable productivité du groupe, mais aussi sa grande créativité, dans la mesure où ces derniers ne trahissaient aucunement les bonnes dispositions dans lesquelles
Cryptograms avait installé le
band d'Atlanta. Force est de constater que l’année 2008 est à placer sous les même auspices. Le groupe avait annoncé l’été 2008 la publication de son troisième album en octobre, tout en cachant délibérément que la sortie de celui-ci serait accompagnée par la publication d’un autre opus. Une surprise d’autant plus importante que
Weird Era Cont. surclasse largement son grand frère !
Certes, le groupe originaire d’Atlanta n’a pas renoncé à associer shoegaze, pop sixties et musique psychédélique. L’esprit de
My Bloody Valentine, Pavement (dans son côté pop) ou
Liars se retrouve toujours. Mais force est de constater que ces deux albums témoignent d’intentions différentes. Sans pour autant sombrer dans le cliché,
Microcastle fait preuve d’un grand soin apporté à la production et aux arrangements. L’album, affichant quarante minutes au compteur, enchaîne des titres au format court et efficace. Le son est direct, et l’univers du groupe est immédiatement assimilable pour les néophytes. On retrouve dans ces albums des influences résolument sixties dans le son, le rythme et surtout l’intention, inscrivant le groupe dans un mélange associant l’esprit d’un
Belle and Sebastian ou
Camera Obscura avec un traitement saupoudré d’ambiances
shoegaze. L’album enchaîne tubes sur tubes avec facilité et talent, confirmant la réputation de petit génie de la scène indé américaine à l’image des titres
Cover Me (Slowly), Agoraphobia, Never Stops, Littel Kids, Saved by Old Times, mais aussi
Nothing Ever Happened qui lorgne, quant à lui, du côté des seventies. Toutefois, si cet album confirme la position occupée par le groupe depuis la sortie de l’album
Cryptograms,
Weird Era Cont., leur album surprise, donne de véritables frissons, tant il démontre que le groupe n’a certainement pas envie de s’endormir sur ses lauriers en alignant de pâles copies de leurs précédentes productions.
Présenté par certains comme un « bonus » accompagnant la sortie de
Microcastle, Weird Era Cont. brille de part la touche d’originalité que le groupe apporte à sa discographie. Ce dernier propose un recueil rassemblant des morceaux fougueux et aériens, brouillons et percutant pour d’autres. Le son est beaucoup moins direct, les musiciens parlent, testent les sons, ce qui donne à cet enregistrement une sensation de promiscuité avec son auditeur, tant on a l’impression d’être en studio à les écouter jouer d’une traite les treize titres de cet album.
Weird Era Cont. , tranche de par son énergie et son approche expérimentale et décomplexée. Chaque titre montre un nouveau ton, une nouvelle approche. Les deux titres d’ouverture
Backspace Century et
Operation brillent de par leurs mélodies imparables et leurs aspects rugueux et directs. L’influence de
Liars ou de
My Bloody Valentine est vraiment prégnante notamment sur les titres
Dot Gain, pour le premier, et
Vox Celeste, pour le second. La ressemblance est tellement flagrante que l’espace d’un instant, on se croit à rêver à la nouvelle production du groupe de
Kevin Shields.
L’alternance entre prise de son rugueuse et directe dans l’esprit des productions du
Velvet Underground et l’utilisation des réverbérations à outrance, qui dans certains cas, rappellent l’esprit folk psychédélique de
Six Organs of the Admittance (
Cicadas), font de cet album l’antithèse de
Microcastle. En effet, le groupe ne répète jamais vraiment les même thèmes et n’hésite pas à taire la voix de son chanteur lors de courtes plages instrumentales alternants synthés
shoegaze, larsens, murs de guitares et sonorités
ambient (
Ghost Outfit, Slow Swords, Weird Era, Moon Witch Cartridge).
Weird Era Cont. laisse un véritable sentiment de jubilation en proposant un univers sonore et une approche mêlant fougue et spontanéité, à l’image de la longue plage clôturant l’album (
Calvary Scars II / Aux/ Out 13) qui rappelle l’énergie d’un
Arcade Fire , période
Funeral.
En proposant deux albums simultanément, dont l’un en forme de négatif à l’excellent
Microcastle,
Deerhunter donne un toute autre regard sur son œuvre future.
Weird Era Cont. , bien plus qu’un disque bonus ou un album jumeau, s’annonce comme l’un des albums références de ce groupe aussi surprenant que productif.