Chaque été se tiennent, dans les jardins du château de Versailles, les Grandes Eaux Nocturnes. Des commandes sont passées ; des projets sont pensés ; des performances sont montées ; tous dans le but d'insuffler un peu de vie à l'un des symboles de la monarchie à son apogée. C'est le mot d'ordre de la politique culturelle française. On tente de satisfaire l'âme en peine de monuments en jouant avec l'eau, le son et la lumière. L'éphémère bouscule les pierres anciennes puis disparaît, laissant parfois sur son passage quelques gravures immatérielles, comme
The Versailles Sessions de
Murcof.
Il a pourtant fallu attendre un an et demi pour se mettre
The Versailles Sessions sous l'oreille. Jusque là, il n'en subsistait de traces que dans le château lui-même. On ne sait trop si ce sont des raisons contractuelles, techniques, ou la simple volonté d'entretenir quelques mysticismes qui ont poussé
Leaf a les publier si tard, mais peu importe. Pour
Murcof, cet album ne succède pas à
Cosmos. Le mexicain préfère que l'on considère cette galette comme le fruit d'un projet à part entière. Les produits issus de commandes occupent souvent cette place un peu ambigüe pour leur géniteur ; l'écoute de
The Versailles Sessions nous laisse aisément comprendre pourquoi.
Mise à part une discrète apparition sur
Lully's Turquerie As Interpret, les rythmiques ont complètement disparu. Thématique oblige,
Murcof met à l'honneur des instruments typiques du XVIIème : le violon, la flute, le clavecin, la viole de gambe, et le chant lyrique. On reconnaît toujours la patte du compositeur dans sa façon d'apporter une profondeur ambiante à ses compositions, mais son travail se situe beaucoup plus dans la manipulation des sonorités acoustiques que dans l'apport d'une couche proprement électronique.
Comme le steampunk s'efforce de nous plonger dans un univers à cheval entre le XIXème et la science-fiction, Murcof tente le pont entre le XVIIème et aujourd'hui. Sa vision de Versailles n'a rien d'une carte postale. Elle va plutôt chercher dans ses sous-terrains cachés ou ses geôles enterrées avec leurs secrets. L'exercice de style est réussi, mais se destine avant tout aux inconditionnels du genre. Les autres auront mieux fait de découvrir l'immense talent de
Murcof en commençant par ses premiers albums.
Chroniqué par
Tehanor
le 06/01/2009