Il va falloir se faire une raison, le
Poirier d'antan, tendance minimale "sous le manguier" n'est plus d'actualité. A travers sa période mash-up (les volumes intrépides de
Bounce le Remix), on sentait déjà poindre chez lui une grosse envie de s'émanciper de ce circuit. Un single (
Blazin) issu de
No Ground Under et une signature chez
Ninja Tune plus tard et le clou était bien enfoncé.
Envolées les productions cérébrales qui firent les beaux jours des labels
12k ou
Intr-Version, évanouies en échange d'un son plus "global", ethnique et percussif, farci de featurings en tout genre, de ses dispensables compatriotes
Omnikrom au toaster
Abdominal en passant par
Dj Nétik et le MC
Face-T de la
Kulcha Connection.
Surprenant. Mais pas dégueux. Plutôt clairvoyant et aguicheur en fait. Quand tant de ses conscrits sont encore occupés à décaper les dernières croûtes des méandres les plus sombres de la musique électronique, lui décide de se jeter dans le bouillon de la Soca, de prendre à coup de tatanes crunks la termitière Dancehall et de sauter à pieds joints dans le marigot Hip-Hop. Tout ça dans le même album, avec le risque en gesticulant de la sorte de s'en foutre jusqu'aux oreilles et de tout dégueulasser aux alentours. Disons que sur ce coup,
Ghislain limite à peu près la crasse. Fidèle à sa quête du "gros Beat", chantre du tout azymuth comme de l'éclectisme, il n'hésite pas à truffer ses morceaux typés de lourdes basses (l'ensorcelant
Mangnen L'Boule avec
Nyk Myo au chant créole), entrelardant le tout de plages électroniques plus inquiétantes et perverses (le tribal
One Hand Can't Clap), toujours rentre-dedans. Du bounce à tous les étages. Mais du sophistiqué.
Voilà donc quatorze titres souvent entrainants (
Go Ballistic), jusqu'à la saine fatigue (l'excellent
Ladies & Gentlemen) ou la nausée (
Jusqu'en haut, burps !). Un album de fête qui fait certes transpirer mais au final, suinte aussi pas mal, comme dégorgeant d'un trop plein de gras (le ragga de
Zulu sur
No More Blood est dur à digérer), là où l'objectif était d'en brûler un maximum, histoire de continuer d'avancer. Et là malheureusement, par moment, on stagne un brin (les intéressants
Hit & Red ou
It's War, War, War, réminiscences electronica n'apportent effectivement pas grand chose au débat). Cette indécrottable innocence, faite de gouaille et de franche camaraderie, qui semble nous dire qu'on doit pouvoir continuer de s'éclater tout en restant sur la brèche, curieux et concerné, n'y change rien. Comme il ne suffit plus de poser des intitulés à résonance "consciente" pour faire d'un morceau - tout aussi génial soit-il (
Diaspora l'est vraiment) - le vecteur d'un message révolutionnaire.
Une fois passé le dégraissage par le filtre des écoutes multiples, on capte bien où se situe le cœur de la démarche. Difficile d'ailleurs de ne pas adhérer. Proposer ainsi le fruit de son inspiration, en se réclamant d'une bonne ripaille et de l'ouverture au monde, est on ne peut plus louable. Autant que de vouloir la faire partager et l'exprimer avec conviction et maîtrise (le travail de production autour des voix notamment est remarquable) dans un état d'esprit que l'on sent spontané, dans l'instant, passager presque. Un peu comme le notre face à cette nouvelle sortie qui reste un bon moment, séduisant et sincère, éphémère et sans suite.
Chroniqué par
Yvan
le 07/07/2008