Est-ce qu'on peut encore parler de hip-hop pour parler du nouvel album de
Psykick Lyrikah ? Honnêtement, je n'en suis plus certain. On est bien au delà de ça, bien au delà des conventions établies par les styles. Les précédents albums avaient amorcé cette expérimentation curieuse,
Vu d'ici est l'aboutissement de ces expériences plus ou moins réussies.
Vu d'ici n'est pas vraiment un disque de hip-hop, au sens traditionel du terme, même s'il y emprunte énormément. Ce n'est pas non plus un disque de post-rock, de shoegaze ou d'electronica, et pourtant, il s'en approche aussi un peu. Il est un peu tout ça, mais il y a quelque chose d'extrêmement novateur dans ce disque. Si on considère que c'est du hip-hop, c'est un hip-hop libéré de ses carcans et clichés.
Les mélodies, toutes composées par
Arm pour la première fois, sont subtiles, travaillées, profondes, mélangeant guitares tantôt calmes tantôt énervées. Une fois encore
Olivier Mellano vient démontrer son talent, mais
Arm empoigne lui aussi sa guitare sur quelques morceaux, notamment
L'éclair, morceau d'une beauté et d'une construction incroyable, commençant d'abord sur un seul beat, puis souligné par une boucle de guitare, qui se transforme peu à peu, monte pour finir par exploser en guitare saturées. Le titre introductif,
Nulle part, long instrumental évoque un peu
Mazzy Star ou
The Rachels, pour le coté aérien et rêveur. On retrouve ces mélopées rêveuses à plusieurs reprises comme sur
Le premier soir,
Anonyme ou
Le chant d'une nuit, qui évoque aussi le superbe
Las Vegas Tango de
Gary Burton.
Les influences électroniques se font aussi beaucoup ressentir au travers d'une multitude d'effets sonores disséminés tout au long de l'album par les machines d'
Arm, mais plus particulièrement sur
Un point dans la foule, morceau en duo avec
Dominique A, qui commence là encore sur un rythme simple, amenant une boucle de synthé minimale sur laquelle
Arm construit le morceau avec des choeurs impressionnants soulignant le passage de
Dominique A.
Et le hip-hop dans tout ça ? Il est présent lui aussi, planant sur tous les titres, parfois plus mis en avant comme sur le percutant
Compter les heures, où
Iris vient accompagner
Arm, ou bien encore
Toutes lumières éteintes, qui commence d'une façon presque jazzy pour terminer sur une bruyante conclusion mêlant guitare et violon . Et ce qui frappe, comme à chaque album de
Psykick Lyrikah, c'est la justesse et la beauté de l'écriture d'
Arm. Chaque texte est d'une poésie folle, on reste admiratif devant la profondeur, la complexité et parfois la noirceur des textes d'
Arm, qu'il rappe à la perfection. Oui, il rappe, il ne slamme pas... Le titre avec
Dominique A est particulièrement frappant, car si
Arm et
Dominique A chantent le même texte, leur interprétation est totalement différente, étrangement adapté aux deux styles de voix et de chants. Il est difficile de parler des textes sans les déflorer, sans leur ôter leur saveur. Ils se savourent, s'apprécient, et je vous laisse le soin de vous les approprier.
Sombre, un rien mélancolique, incroyablement mélodique,
Vu d'ici est un album magnifique, peut-être le plus bel album de
Psykick Lyrikah, et certainement l'un des disques les plus beaux et les poignants de cette année 2008. Et comme les vrais bons disques, il ne vieillira pas.
Chroniqué par
Traulever
le 26/06/2008