Sonic Area, bonhomme très productif de la scène industrielle expérimentale française, signe avec
Explore son troisième opus pour la maison Audiotrauma. Un album qui porte bien son nom, puisqu'il se présente comme une série de pérégrinations toutes plus obscures les unes que les autres. Quelque part entre l'IDM dépressif d'
Architect, l'indus de
Scorn, et le hip hop noise de
Dalëk,
Sonic Area trace sa route au milieu de paysages déchirés et de friches industrielles.
Mise en ambiance : Le vent s'engouffre dans les vitres brisées d'une énorme manufacture à l'abandon ; il fait frémir les chaînes pendues aux plateformes branlantes et à leurs poutres désolées. Sur son passage s'élèvent poussières, débris de féraille coagulés aux miettes de feuilles mortes dont les infimes particules restent en suspension dans les airs quelques minutes encore. Ce bucolisme des temps modernes ne vous inspire aucune quiétude. La solitude écrasante du lieu laisse au contraire voguer comme un vague parfum d'angoisse, de tortures passées et de souffrances indescriptibles.
Liqueurs inconnues transcrivent avec brio la splendeur de la mécanique éléphantesque, un édifice dont la magnificence n'a d'équivalent que dans les transcriptions cinématographiques à gros budget – vous voyez desquelles je parle.
Les caresses de serpent piochent du côté arabisant, telles une prière s'envolant d'un temple du désert cybernétisé. La brève accalmie pour
Les sublimes subtilités des trésors de ton corps donne à quelques machines grinçantes l'occasion d'étirer leur carcasse rongée par le temps. Puis
Le silence me terrifie vient faire planer son ombre menaçante sur vos pauvres petites oreilles. Dans un crescendo apocalyptique, il fait aboutir alors une incantation dark ambient – non sans rappeler les travaux d'
Ah-Cama Sotz,
Shinjuku Thief, ou
Squaremeter – par une explosive révérence à la terreur.
La Chute Ascensionnelle, elle, évoque vaguement
Amon Tobin, lequel serait encapuchonné et de derrière son autel de platines donnerait une messe noire.
On pourrait continuer longtemps comme ça, tellement
Explore est riche d'évocations.
Sonic Area donne dans un style très imagé. Il va même jusqu'à monter de petites scènes comme on en trouverait bien dans un film d'horreur (
Il ne faut pas avoir peur). Le résultat ? Une musique sombre, figurative, sachant se faire douce et brutale à la fois ; un album prenant et particulièrement réussi.
Chroniqué par
Tehanor
le 14/03/2008