Voilà plus de quatre ans que
Denis Sefani mène sa carrière solo sous le pseudonyme élégant de
Fedayi Pacha, après avoir participé à l'aventure
Another Sound System Experience. Toujours membre du collectif dub
Bangarang, dont le plus fameux porte-drapeau n'est autre que
Brain Damage, ce stéphanois nous revient cette année avec un second effort passé relativement inaperçu au vu de la qualité et de la singularité de son contenu.
Le titre et le tracklist nous mettent la puce à l'oreille quant à la teneur "orientalisante" de sa musique. Mais laissons d'emblée dernière nous le champs sémantique de l'Orient, cet exotique fantasme pluri-millénaire fait de soie et d'épices, cette étiquette imprécise qui regroupe un ensemble de civilisations et de lieux plus ou moins liés. Si le voyage proposé ici fait un crochet par le sous-continent indien (
Indian Beatbox,
Londonistan) et finit aux portes du Maghreb (
Djebel Tarik, la rocher de Tarik plus connue sous le nom de Gibraltar), le champ d'influence de
Fedayi Pacha semble se concentrer autour du monde perse et anatolien. On l'imagine bien perché tel Noé au sommet du mont Ararat, attentif aux échos montant des vallées avoisinantes, reniflant les fragrances presques imperceptibles des abricotiers des jardins iraniens.
C'est cet imaginaire bercé de poésie qui nous accueille dès le
Apricot Wood qui ouvre l'album. Car si on ne peut s'empêcher de ranger sa musique au rayon "gros son" (certainement car ses écuries sont d'éminentes spécialistes du dub made in France), il y a quelque chose de plus souple et évasif chez
Fedayi Pacha qui le tient à l'écart des traditionnels sound systems ethno-dub. Principalement parce que les gimmicks propres à ce style (accords piqués de synthé en up-beat, cascades d'échos et caisse claire qui disparaît dans un océan de réverbe…) s'y font assez discrets, et se contentent de soutenir l'armature des morceaux avec l'appui d'infrabasses et de kicks steppa. On n'a pas, comme chez
High Tone, l'intégration de colorations ethniques par le biais de samples survolant une base dub. Au contraire, ici, le traitement électronique épouse délicatement un canevas préétabli de samples et de parties jouées qui forment la véritable ossature de l'album.
Cela s'explique peut-être par le fait que
Fedayi Pacha est instrumentiste en plus d'être producteur et compositeur. Il joue du duduk, fabuleux et minuscule hautbois arménien dont l'anche en roseau produit un son étonnament grave et ample, et qui le guide et l'influence probablement dans le processus de composition. Après plusieurs écoutes attentives de ce précieux album, on interprète donc son titre sous un jour nouveau. Il n'est donc pas question ici de dresser l'inventaire des nombreuses formes du dub, ni de s'adonner au culte démagogique de ce style mystique (on dit souvent et à juste te titre que c'est Dieu qui possède une infinité de noms). Au contraire,
Fedayi Pacha semble considérer le dub comme une interprétation plutôt qu'un style, un ensemble de petits mouvements venant compléter et moderniser des grooves de tous horizons. Un pas de plus vers l'émancipation de ce style, toujours plus éloigné et libéré de ses racines jamaïcaines. Une musique d'apatrides ?
Chroniqué par
Rafiralfiro
le 20/12/2007
http://www.linuxfr.org
par Psylo (le 07/11/2008)
Une claque à chaque écoute. Cet album est un petit bijou, ciselé par un orfèvre hors-pair. Que ce soit la qualité des compos, les sons, le mix... TOUT est incroyablement magnifique.
http://www.fresh-poulp.net
par pachouille (le 21/12/2007)
Ca fait plaisir de voir cette chronique ici. En effet, ce deuxième album est excellent et nous emmène sur divers continent. Très singulier et atypique, Fedayi Pacha nous propose une nouvelle branche du dub. Clap mega Clap!!