Essayer de suivre la trace de
Ra s'est avéré, ces derniers temps, être un sacré jeu de piste. Il faut dire que depuis la découverte du graphiste sur le
Radio Ape des
dDamage jusqu'à cette dernière sortie, les aléas se sont multipliés. Et comme pour en rajouter, il décide de changer son nom ou tout du moins de le reprendre :
Raoul Sinier c'est lui.
Pourquoi ce revirement ? Le désir, comme celui de ses collègues hyperactifs (
Paradinas,
Richard David James,
Aaron Funk...) de brouiller les pistes ? Pulsion schizophrène que le titre de cet Ep imagerait ? Envie d'en finir avec les mauvais coups de la vie et
Ra, ce pseudo maudit ?
Autant de questions qui sont, on peut en être à peu près sûr, à côté de la plaque. Ce Monsieur ne donne pas dans ce genre de considérations. La superstition comme l'intellectualisation de la musique ne sont pas de son monde.
Raoul Sinier fait. Point barre.
La preuve par 4 ces jours-ci. Toujours aussi impressionnant de réactivité, alors qu'on en était encore à se demander où il en était depuis la faillite de
Sublight Records, il sort
Two Heads chez
Disco_r Dance (jeune label au nez creux).
L'entrée en matière est saisissante.
Mired Creeds tranche dans le vif du sujet à coups de griffures électroniques démentielles vite rattrapées et englouties dans un magma opaque. Gothique à souhait, ce titre d'une lumière noire aveuglante portée par des chœurs mystérieux transporte dans un autre siècle - passé, futur qui sait ?
En plein rite initiatique, tiraillé entre quiétude des mouvements mélodiques et la violence crasse de l'atmosphère - que peut-il donc faire subir à ses machines pour en tirer de tels hurlements ? - on a aucune difficulté à pénétrer cette histoire aux pulsations quasi mystiques. Et déjà comme un nouvel univers s'annonce.
Out There y apporte un écho encore plus sombre, quelque peu malaisant même, d'une structure certes moins complexe - un bon beat hip-hop, marque récurrente sur cet Ep, et un orgue heurté mais jamais lacéré - le tout extrêmement direct et compact : cinq minutes de pures intrusions corticales.
Warm Halls qui s'intercale entre ces deux morceaux est d'une dissonance tendue, teintée d'un suspense apaisé qui, avec cette approche cinématique fait preuve d'une emphase maléfique toute nouvelle chez
Sinier. Celle-ci, encore bien loin des grandes liesses, donnerait plutôt dans l'intranquillité méphitique, du genre qui corrompt l'âme, le sourire aux lèvres.
Une emphase portée à son paroxysme sur
Animal Sawtool, écho sauvage au cybernétique
Human Saw Tool de
Raoul Loves You.
Faisant fi ici des attaques subalternes de bleeps et autres contingences sonores déstructurantes, notre artiste propulse en conclusion une instru hip-hop hallucinée aux résonances incantatoires impressionnantes qu'on rêve hantant, implacables, de cette même puissance évocatrice ses productions à venir (
Ad Noiseam aurait déjà senti le coup avec un énorme ep en perspective pour fin 2007).
Mais méfiance, contentons nous d'abord de suivre cette nouvelle trace. On ne sait encore pas vraiment où elle nous mènera.
Chroniqué par
Yvan
le 26/11/2007