"It’s the most difficult thing, I think, for most people." On ne peut que donner raison à Edward Ma - alias
edIT - lorsque, dans l'intro de
Certified Air Raid Material, il tente de décrire à quoi ressemble sa musique ; ouverture quelque peu nombriliste, me diriez-vous. Nous voilà prévenus, cet album ne ressemble à rien d'autre. C'est vrai dans une certaine mesure, mais il est évidemment toujours plus flatteur pour un artiste de présenter son travail comme tel plutôt que de le comparer à d'autres. Le chroniqueur que je suis pour considérer cette oeuvre se devait donc de retisser les liens afin de ne pas tomber dans ce sombre subterfuge.
"Glitch Hop", c'est le premier terme qui me vient en tête. J'ai commencé à le voir apparaître lorsque l'on parlait de travaux dans la lignée de
Prefuse 73 et l'ai toujours trouvé assez juste. La dénomination "glitch hop" synthétise parfaitement cette tentative de passer des boucles hip-hop à la moulinette glitchienne héritée d'
Autechre, et maintes fois reprise pour d'autres styles, du trip-hop (
Telefon Tel Aviv) à la folk (
Double U) et bien d'autres encore.
"Dubstep", c'est la deuxième couleur dont se peinturlure la gueule cet album. En effet, les rythmiques se traînent trop pour sonner tout à fait hip-hop, et on penserait plutôt au son de
Ghislain Poirier,
Milanese, voire tenter quelques vagues parallélismes avec celui de l'
Oeuf Raide, notamment pour ce qui concerne ce goût pour la petite mélodie à deux balles survolant d'un air narquois un beat très minimaliste.
Glitch oblige,
Certified Air Raid Material est une vraie charcuterie de samples. D'ailleurs, n'importe skeud électro qui veut se donner un son un tant soit peu moderne ne se doit-il pas d'y apporter une certaine dose de déstructuration ? Ces dernières années ont transformé ce qui paraissait encore il y a peu comme avant-gardiste en espèce d'impératif électronique. Tout le monde participe à la grande messe du cut et si même
Justice arrive en tête des charts, c'est vraiment que cela n'a plus de quoi étonner personne. L'analogie ne s'arrête pas là. D'après mes récents calculs,
edIT peut être désigné comme un mec "in", voire peut être même "cool" dans la limite de ce que les trois points que j'ai révélé pour en arriver à une telle conclusion me permettent d'affirmer :
-
edIT utilise le fameux son de synthé sous disto et à la stéréo appuyée qui fait le bonheur du crew
Ed Banger,
Boys Noize,
Teenage Bad Girl et tout cette nouvelle scène dancefloor que l'on ne présente plus ;
- dans
Back Off The Floor,
edIT fait chanter le mec du refrain avec une réverbe robotisée qu'on a déjà tous entendu, même
Uffie ;
- un skeud électro dans le coup se doit d'avoir au moins un featuring avec
Busdriver ou
TTC.
edIT s'offre les deux pour
Crunk De Gaulle, la classe.
D'accord,
edIT est un peu le
Para One du dubstep, mais ces quelques considérations ne doivent pas nous faire passer à côté des qualités intrinsèques de son album.
edIT donne dans la surenchère d'effets, mais contrairement à beaucoup de ses compères tout aussi tortionnaires du sample, le mec a su en épurer le rendu. Résultat, l'auditeur peut en apprécier chaque élément et non pas une bouillie technique dépassant complètement son entendement.
Ensuite, les featuring, généralement très appréciables sur ce genre de musique, sont particulièrement réussis. Petit bémol peut être pour ce RnB servi par
TTC et introduisant
Crunk De Gaulle que même votre soeur accroc à
Corneille pourrait kiffer. Mais bon, c'est aussi le propre du trio de faire du vrai faux vrai second (ou sixième) degré ; on aime ou on aime pas. Heureusement pour moi qui n'en suis pas très friand, l'intervention de
Busdriver, le travail de voice cuttage, et le mode "j'envoie la sauce" qui se déclenche en fin de morceau avec pour final les scratches de
D-Styles rattrapent le tout.
Au final, c'est un skeud bien plaisant que nous livre là
edIT. Il y a de l'idée, des gimmicks qui sonnent justes, un son grave dans l'mouve ; alors, si il ne fallait que ça pour vous rassurer,
Certified Air Raid Material restera toujours trop trituré pour finir sur la platine de votre soeur - va savoir si on pourra en dire autant dans cinq ans. Ah oui, et
edIT explique même sur la dernière piste pourquoi il a baptisé son opus d'un nom si bizarre.
"We don't really need anymore bombs, you know, except for bombs on the dancefloor." Si ça c'est pas cool !
Chroniqué par
Tehanor
le 23/11/2007