Les gens normaux n'auraient rien d'exceptionnel. Un vieil adage concrètement intégré et digéré de longue date par certains artistes et autres montreurs d'ours qui forts de cette croyance faisant de la folie une source de pluvalues intarissable, se sont lancés dans des embardées psychopathétiques digne des plus belles caricatures de fêlés. En somme les fondus seraient à la mode.
Tout ceci serait un rien pénible - cette manière de faire son beurre sur la névrose - si quelques malins dans le style de
Dan Deacon ne venaient mettre leur grain de sable dans un système un peu trop rodé. Et le moins qu'on puisse dire c'est qu'avec
Spiderman of the Rings il n'a pas fait dans la dentelle.
Sa musique, carrément à la marge de ce qu'on peut entendre de part et d'autre du milieu de la route, semble bel et bien relever d'une véritable pathologie et d'un décalage plus que perceptible avec le réel auquel on aura du mal à donner un autre qualificatif que démentiel. Quand chacune de ses sorties live ne font que conforter cette hypothèse (
Deacon est un performer reconnu pour ces happenings hallucinants), chacun des 9 morceaux - 9 bordel ! - de ce nouvel opus ne feront qu'enfoncer le clou :
DéDé est bel et bien cinglé.
Spiderman of the Rings contient en son sein autant de séismes destructeurs que de secondes au compteur et, à coup de Casio, de Vocoder, de boîtes à rythmes faites à la main, envoie tout balader sur son passage. C'est même cul par dessus tête que se retrouvent ainsi trafiquées - non sans une certaine grâce dans le savoir-défaire (la palme au morceau fleuve
Wham City)- un bon nombre de références jusque là bien calées entre mainstream et sous-culture.
Du cri d'ouverture du cartoonesque pic-vert sur
Wooody Wooodpecker transmué ici en bluette électro nasillarde en passant par le jerk atrophié d'
Okie Dokie, l'électro-fuzz cabossée à la masse de
Trippy Green Skull ou encore de la tentative réussie (?) de mimer une tribu de Télétubbies en plein stage de M.A.O. option House sur
Snake Mistakes, tout semble potentiellement détournable . Le talent de
Deacon - pour parler autrement qu'en termes médicaux - réside à la fois dans cette volonté systématique de traficotages et cette envie de les rendre accessibles. D'accès de folie pure en simple instinct artistique (à l'écoute de morceaux comme
The Crystal Cat ou
Big Milk le doute reste permis !) il laisse toujours quelques interstices vacants, donnant à l'auditeur la possibilité de s'y glisser, et pour peu qu'il n'y perde pas pied, peut-être la chance d'y retrouver quelques codes et d'esquisser quelques mouvements de tête cadencés.
Parce que globalement, et malgré tout, sans danger pour la santé publique (avec tout de même quelques incertitudes sur les possibles séquelles d'une écoute prolongée de
Jimmy Joe Roche, morceau de clôture édifiant) il serait certainement bienvenu d'aller contre ce préjugé que l'on sent latent et qui ferait de
Spiderman of the Rings un de ces disques épouvantails qui finissent accrochés aux arbres pour effrayer les piafs. Une deuxième écoute, encore plus active, nous dévoilerait peut-être la face cachée de cette mosaïque arty et subversive, démasquant une ode plurielle à quelques obscurs aïeux protopunks et propulsant, par là même, un sacré coup de pied au cul du conformisme ambiant et de ses faiseurs de hype.
Seulement voilà, là, je ne peux pas. Je n'en ai "malheureusement" plus la force. A vous de faire, donc... désolé...
Chroniqué par
Yvan
le 19/09/2007