"Tout ça, c'était des jeux de mots."
Tout ça, aussi, pourrait commencer par une énigme. Là voici : quel rapport y a-t-il entre le père de l'art contemporain, une certaine forme de musique "conceptuelle" et la musique folk ?
La réponse :
Rrose Tacet. Rrose pour Rrose Sélavy de Marcel Duchamp et Tacet pour les 4'33'' de John Cage, dont la partition dit avec une éloquente sobriété : "Tacet". Silence.
Bref, un truc "arty" de plus ? Non. Si dans le "dada folk" de
Rrose Tacet, on ne retrouvera pas les excentricités qui devaient faire rage et enrager au Cabaret Voltaire, il y a dans la simplicité — dans le dénuement même — complètement assumée de cette musique quelque chose qui ne peut que séduire.
Séduire doucement, s'immiscer légèrement comme ces voix aiguës à la fin de
Autumn Lace. Des choses dans l'air du temps, des beats minimaux, du ukulélé, du melodica, des guitares acoustiques lo-fi, des guitares électriques qui ne se veulent guère plus fidèles. Et puis, surtout, des mélodies, justes, naïves aussi, au sens noble du terme : celui de la simplicité et de la grâce — n'ayons jamais peur des mots — avec laquelle la musique est présentée.
Il y a un ton nonchalant dans la musique de
Rrose Tacet, dans cette manière d'affirmer
I drop all the chorus en refrain ou de chantonner (
Trying to photograph a ball so that it is in the center of the picture). Et, comme dans le même mouvement, quelque chose qui va chercher plus loin, comme cette chanson qui trouve tout d'abord dans les harmoniques et un rythme de batterie qui finit par prendre de l'ampleur ensuite, ou encore des mains qui claquent, une manière de donner un corps solide et profond à une folk qui pourrait finir par se contenter de contempler sa propre évidence (
The door I see you).
"Tout ça, c'était des jeux de mots", disait Marcel Duchamp en parlant de Rrose Sélavy. Il n'était pas sans savoir que les jeux de mots sont parfois excellents.
Chroniqué par
Jérôme Orsoni
le 15/09/2007