Les franges musicales qui se révèlent les moins douces avec nos oreilles prennent autant pied dans les musiques électroniques (avec le breakcore, entre autres) que dans les musiques à guitares (mathcore ou grindcore). Ces esthétiques musicales participent d'un goût pour la brutalité qui font que les frontières entre elles deviennent plus poreuses et amènent pas mal de personnes à faire le saut métal / breakcore sans trop de réticences. Dans ces conditions, rien d'étonnant à ce que nombre de "breakcoreux" –
Venetian Snares le premier - avouent venir de la scène métal. Rien d'étonnant non plus à ce que certains tentent régulièrement de rendre hommage à leurs premiers amours musicaux.
L'inverse est en revanche beaucoup moins vrai, et mis à part une petite reprise de
Come To Daddy d'
Aphex Twin par
The Dillinger Escape Plan, on peut compter ce genre de révérence sur les doigts de la main. L'apport électronique se fait finalement bien plus souvent dans une sonorité intrinsèque aux productions métalleuses que dans de véritables reprises. Et c'est lorsque celui-ci est particulièrement mis en avant qu'on en voit émerger de nouvelles étiquettes, du "metal indus" de
Fear Factory au "cybergrind" de
Genghis Tron.
Après le
Grindkrusher de
Bong-Ra, c'est à nouveau
Ad Noiseam qui signe, en partenariat avec le label tenu par
Jason Forrest Cock Rock Disco, un album prônant haut et fort la fusion d'éléments métal dans l'électronique.
Grist est le petit bébé d'
Aaron Spectre - alias
Drumcorps -, et consiste en un rassemblement de "mashups" de morceaux métal hardcore. Autant dire que jamais le mélange entre cette musique et le breakcore n'avait atteint un niveau aussi explicitement poussé, tout en gardant une qualité qui ne le bannît pas d'office des personnes ne possèdant de propensions que pour un seul des deux genres.
Et question métal,
Aaron Spectre est un homme de goût puisqu'il réunit dans ce CD quelques uns des groupes les plus excitants du moment :
Botch,
Converge,
Pig Destroyer,
On Broken Wings, et j'en passe...
Grist est pour le moins une belle démonstration de ce qu'il est possible de faire en électronique pour trafiquer un morceau : cuts, filtres, reverses, reverbes, stretching (étirement du temps qui induit un son légèrement saccadé), modulateurs, tapestops (effets de ralentissement d'un vinyle), retriggers (répétitions rapides), etc. Alors, pure démonstration technique ? Peut être. Il n'empêche que
Drumcorps propose une manière pas inintéressante de réécouter des albums de hardcore risquant bien de faire pâle figure après cela. Car, non contents de constituer déjà de petits condensés de violence dans leur version originale, les remixes de
Drumcorps portent ces morceaux à un niveau encore plus extrême.
Aaron Spectre dégage le batteur pour le remplacer par une machine à kicks de la plus grande brutalité (
Botch Up and Die,
Saddest RMX) et une caisse claire drillée à la
Venetian Snares (
Down,
Incarnate).
Bref, il faut bien avouer qu'
Aaron Spectre a réussi avec brio son expérimentation.
Grist est cependant aussi peu facile d'accès que les travaux de
Mike Patton les plus trippés. On ne vous laissera donc pas vraiment la possibilité de l'apprécier en demi-mesure. Soit vous adorerez, soit vous détesterez.
Chroniqué par
Tehanor
le 10/04/2007
