C'est dans la douceur extrême d'un moite hiver pré-apocalyptique que nous arrive le nouveau poulain de nos ninjas préférés. Connus pour leur passé de remixeurs bouillonnants, Chris Vogado et Neil Combstock a.k.a.
Zero dB passent à l'attaque avec leur première galette que voici…
Bleeps, Bongos and Basslines est une patate chaude schizophrénique, tiraillée entre l'envie de plonger le dancefloor dans une fièvre carioca, et celle de pondre des bijous de soul-hop langoureuse. Une souplesse musicale est donc requise pour l'exploration (mouvementée) de cet album. C'est parti pour une heure de grand écart entre jazz, house, hip-hop et samba…
On commence bercé par la cadence des congas et autres
tambores, auxquelles se mêlent des chants distants. Embarcation immédiate dans un avion de Varig Airlines, le décollage est rapide, la poussée jouissive. Voici la basse qui arrive et emporte le tout vers un carnaval stratosphérique. Un coup d'œil sur la pochette, le duo, trahi par leurs patronymes, est bien anglais et pas luso-américain. Qu'à cela ne tienne, le voyage n'en est pas moins agréable, entrecoupé çà et là par quelques breaks bien sentis. Le vol de la colombe (
A Pomba Girou) se poursuit sur sept minutes ensoleillées et brûlantes.
Atterissage sur la boucle de jazz malade du titre éponyme. Enfin, c'est atterrir pour repartir aussitôt. Saxophone pitché et voix cutée sont vite rejoints par un kick housy, agissant tel un pilon sur des percus concassées, donnant un morceau sulfureux, vulgaire et fracassant. Montagnes russes digitales pour dancefloor, montées d'acide ou de fièvre (selon), bad trip cauchemardesque, le voyage n'est pas de tout repos.
Le répit finit par arriver avec
Conga Madness, et sa longue intro drapée dans le mystère. On a pas pour autant abandonné les percussions, assagies mais bien présentes. Mais qu'importe, arrivé à ce moment du disque, tout être normalement constitué aura déjà sombré dans la transe la plus profonde. Le temps n'a alors plus d'importance, étiré et comprimé au gré des crescendos et des descentes en vrilles, la perception brouillée par les vapeurs de cachaca. Dans un constant aller-retour entre les deux Amériques, qui se côtoient sans (malheureusement?) trop se mélanger, on croise une pléiade de sons familiers, voix, instruments ou
gimmicks digitaux, qui sont le liant de cet album.
Bien entendu, ce disque risque de partager, de par son caractère bicéphale (mais n'est-ce pas la définition d'un duo?), ne sachant choisir entre exotica putassière et hip-hop de velours. Car en effet la philosophie du juste milieu, du compromis, ne semble pas être celle de
Zero dB. Et c'est aussi ce qui fait sa fougue et sa spontanéité, ce qui rend cet album attachant, d'autant que le groupe excelle dans ces extrêmes. On a donc affaire à un disque jeune, imparfait, brusque ici, doux plus loin, mais à l'énergie contagieuse et jubilatoire. Ce qui nous amène à penser que
Zero dB n'est peut-être pas tout-à-fait étranger au réchauffement palpable de la planète…
Chroniqué par
Rafiralfiro
le 11/01/2007