Boards of Canada cessera-t-il un jour de faire des émules et de générer des avatars ?
Music has the right to children est sorti (ne faudrait-il pas dire a été proclamé, voire révélé ?) il y a bientôt dix ans et fait aujourd’hui figure de manifeste, perpétuelle source d’inspiration pour les producteurs de musiques électroniques. Certains s’agacent des références récurrentes à l’œuvre des frères Sandison dans la production contemporaine. Il est vrai que ce syndrome prend parfois des tournures déconcertantes. C’est probablement le duo lillois
Principles of Geometry qui a poussé le plus loin cette logique : non contents de développer avec leur album éponyme (qui soit dit en passant est tout à fait recommandable) un son et une esthétique évoquant clairement l’univers
boardsien (pardonnez le néologisme), ils ont choisi un pseudonyme qui rappelle étrangement l’omniprésence des mathématiques dans la musique de BOC.
Music is Math affirmaient-ils dans
Geogaddi.
Mais alors que les deux écossais peinent désormais à retrouver l’alchimie de leurs débuts, leurs rejetons en seraient-ils capables ? C’est clairement ce défi que
Tycho, aka Scott Hansen, avait entendu relever avec
Sunrise Projector sorti en 2005 sur Gammaphone. Merck nous propose aujourd’hui une version rafraîchie de cet album, rebaptisé
Past is Prologue pour l’occasion. La pochette a été légèrement retravaillée, les morceaux remasterisés et quatre titres inédits, dont deux remixes, ont été intégrés. On retrouve donc à l’écoute de ce disque la conjugaison des éléments qui ont fait le succès de BOC.
D’abord un son de synthétiseur, si particulier, qui donne une couleur enfantine et nostalgique aux compositions. Ensuite un beat hip hop, assez lent, même si l’Américain explore parfois d’autres structures rythmiques, à l’instar des morceaux
Past is Prologue ou
Cloud Generator. Il faut enfin mentionner l’usage de voix le plus souvent féminines, toujours oniriques et éthérées. Les remixes proposés sont de très bonne facture, notamment celui de
Nautilis (
Malcolm Kipe), autre artiste de l’écurie Merck qui officie ici dans un registre electronica teintée de hip hop dans lequel il excelle.
L’écoute de cet album est indéniablement grisante. On formulera bien sûr un regret évident, celui du manque de nouveauté, l’absence de prise de risque. Il ne faudrait cependant pas sacrifier un très bel album sur l’autel de la sacro-sainte innovation ; alors ne boudons pas notre plaisir et disons le franchement : les titres réunis ici ont le mérite de susciter des sensations – notamment une certaine mélancolie - que BOC ne sont pas parvenus à faire naître avec
The Campfire Headphase. Reste donc à espérer que, comme le laisse augurer le titre du disque, le passé n’est pour Scott Hansen que le prologue et qu’il saura à l’avenir mettre son incontestable talent au profit de réalisations plus personnelles.
Chroniqué par
Johann
le 11/01/2007