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Donato Wharton

: Body Isolations



sortie : 2006
label : City Centre Offices
style : electronica / laptop-folk

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Tracklist :
01/ Absentia
02/ Blue Skied Demon
03/ Transparencies
04/ Underwave
05/ Puget Sound
06/ The End Of The American Century
07/ Deities Stalk The Land
08/ Sidereal
09/ Wake
10/ Dwellig 1 (video)
11/ Dwellig 2 (video)


Un sablier immense. En son sein, l'équivalent de plus de deux années d'impatience qui se sont écoulées depuis Trabanten. Une attente démangeante , une ascèse presque, qui touche heureusement à sa fin avec Body Isolations.
Si ce titre laisse augurer un substrat plus organique que son précédent album (dont le titre signifie "satellites"), la trame implicite demeure celle du mouvement. Mouvement non plus tourné vers l'extérieur, mais vers l'intime. Évoluant lui même comme sound-designer pour des représentations de danse contemporaine, Wharton désire esquisser un parallèle entre la concentration du danseur sur chacun de ses mouvements corporel et la manière dont l'auditeur peut se focaliser sur certains détails sonores. Décomposition du mouvement, précision.
La musique de Donato Wharton n'a pourtant rien de remuant. Elle est tout ce qu'il y a de plus lowtempo. Cette caractéristique beatless est loin de réduire Body Isolations à un simple disque d'ambient. Ici les rythmiques sont tacites, elles naissent mentalement, au gré des images qui s'enchaînent, se diluent lors de l'écoute. La guitare, timide, fragile, y est quasiment omniprésente, décisive même.

Plonger dans cet album sans faire ses ablutions phoniques aurait été offensant. Absentia y remédie en déployant de lourdes nappes moelleuses et enveloppantes, dont les circonvolutions souples et engourdies ne sont pas sans rappeler de profonds courants marins. Les yeux s'ouvrent réellement avec Blue Skied Demon lorsque s'égrennent les premiers arpèges grelottant. Les certitudes s'effritent alors peu à peu. Complexité à appréhender les émotions qui en émanent, lorsque surgit pour la première et unique fois la voix de Wharton, ajoutant une dimension éphémère bluesy des plus délicieuses.
Transparancies, le seul bémol notable de l'album, fait la part belle à un vieux piano, habituellement couvert d'un drap jauni par le temps, que l'on imagine sur un parquet de bois, dans un grenier. Les accords se répètent encore et encore, témoignant d'une certaine lassitude, d'une sourde mélancolie que pourrait ressentir tout vieillard qui retrouve d'anciennes photos de classes rendues opaques par l'oubli tout autant que la poussière.
Le contraste d'ambiance est brutal avec la piste suivante UnderWave : l'auditeur est immergé sous des trombes de drones eschatologiques, dans une veine proche du label Kranky. Difficile de ne pas penser à Fennesz ou Keith Fullerton Whitman , dans cette atmosphère mystique proche du « j'ouvre mon cerveau aux rayons qui émanent de la Supériorité Immatérielle ».

Puget Sounds (ou "l'incarnation même de la beauté déprimante") c'est un peu le soupir que l'on pousse en croisant une jolie fille que l'on sait pertinemment inaccessible. Sans conteste la plus jolie piste au monde pour déclarer sa flamme à l'être aimé lors d'un événement qui ne s'y prête pas : un enterrement.
The end of the american century s'annonce comme une piste-piège par excellence pour un blindtest. On s'attend tout au long du morceau à ce que la voix de Yann Tambour aka Encre surgisse, tant l'univers sonore est analogue.
Texture granuleuse, pluie fine de crépitements sur lesquels se détachent des notes plaintives semblables au mouvement d'un regard luisant d'espoir, faisant place quelques secondes après à l'amertume la plus profonde.

Wharton s'inspirerait-il de Radiohead? L'interrogation peut paraître absurde. Et pourtant, impossible de ne pas faire le rapprochement avec Hunting Bears à l'écoute de Deities stalk the land. Le guitariste y serait ivre et chancelant, titillant les cordes au ralenti. Ses réflexes seraient amoindris au bénéfice d'une sensibilité accrue, les accords ayant plus d'amplitude que jamais, conférant à la texture sonore une troublante chaleur ouatée.
Les deux dernières pistes, tendres ballades bucoliques laptop-folk, sont plus superficielles, moins prenantes, sorte d'anticipation, comme pour faciliter la descente, pour que le choc ne soit pas trop brutal, que la transition soit douce entre le pendant et l'après.

34 minutes plus loin, on ne se souvient plus de rien. S'est il seulement passé quelque chose?
On en vient à douter. Seules refont surface quelques bribes, mais des bribes visuelles.
Un album à écouter le front collé à une vitre, hagard, lorsque le soleil n'est pas encore levé.
Un disque pour réapprendre à rêver. Simplement.

Chroniqué par P3yolt
le 05/11/2006

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1 commentaire

par V. (le 25/10/2007)
Excellente chronique, vous avez su mettre des mots sur cet album majeur de monsieur Wharton.
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