El Perro Del Mar : derrière ce patronyme ibérique, se cache contre toute attente une délicieuse chanteuse suédoise, qui nous propose aujourd’hui son premier album.
La pochette (version import) représentant le portrait en noir et blanc d’une jeune femme au teint de neige, les cheveux courts coiffés façon Jean Seberg l’immense regard perdu dans le vague, donne le ton mélancolique et retro du disque.
En 10 titres concis,
El Perro Del Mar impose un univers envoûtant : loin de diluer son vague à l’âme dans les vapeurs d’un folk neurasthénique, elle l’exacerbe de son chant délicatement fêlé, sur le fil, frotté à une orchestration chiche en instruments, mais d’une ampleur réelle. Chœurs éthérés, arpèges de guitare acoustique noyés dans les brumes du clavier, percussions et cuivres dans le brouillard et plus inattendu, handclaps. La magie incontestable du disque réside d’ailleurs dans ce contrepoint efficace entre la tristesse du chant et des paroles et la luxuriance pop entraînante et souvent euphorique des arrangements façon chansons pop des années 5O-60 : de nombreux morceaux fonctionnent ainsi, à coups de claquements de mains rythmés (
I Can’t Really Talk About It), de chalalala et autres gimmicks sucrés (
Candy,
God Knows,
People), qui illuminent des ritournelles foncièrement sombres.
A l’ivresse répétitive d’un chant aux incantations nostalgiques répond ainsi une orchestration radieuse qui transcende la tristesse et évite à cet album l’écueil du pathos. La souffrance semble aussi légère qu’une plume, comme en témoigne le magnifique
party et son entêtante formule : "come on over baby there ‘s party going on… be bop be bop a loola »... les mots de Gene Vincent repris avec une telle mélancolie dans la voix donnent des frissons. Ailleurs, c’est l’insistance de ce refrain sur
Dog, qui nous retient : « all those feelings you got, for me, was like for a dog. / what a feeling, what a feeling for a dog”. La cruauté se pare ainsi chez
El Perro Del Mar de la douceur d’une caresse. C’est toute la classe et l’intelligence de ce disque, suggérer les blessures mais avec toujours un sourire dans la voix et des yeux rieurs pour arrangements.
Alternative aux pimpantes
Pipettes, qui jouent à fond la carte de la nostalgie rétro façon pop songs ensoleillées aussi jouissives que périssables,
El Perro Del Mar, plus discrètement, semble capable d’imposer dans ce même registre nostalgique le charme mélancolique de ses chansons douces amères, qui n’ont rien de surfait, et devraient agir sur l’auditeur pendant longtemps.
Chroniqué par
Imogen
le 12/09/2006