En dépit de la présence de cet album sur
For4Ears, éminent label de musiques électroniques improvisées, en dépit encore de ses collaborations passées avec
Tomas Korber,
Jason Kahn,
Günter Müller ou
Christian Weber, tous improvisateurs accompagnés de machines, en dépit enfin des sonorités mêmes de ce disque, aiguës, grinçantes, continues, étirées, le percussionniste
Christian Wolfarth joue de ses instruments sans l’ajout de dispositifs électroniques. Et pourtant, il explore une esthétique qu’on pourra qualifier d’électronique par bien des aspects.
D’une part, par la largeur de champ de possibilités sonores dont il est fait démonstration ici : la percussion est là, mais assez peu souvent pulsatile. Volontiers arythmiques et carillonnante plutôt que contondantes et martelantes, les percussions de
Wolfarth s'égrènent en myriades de sonorités dispersées au gré des aléas de l’improvisation. Ailleurs, elles retrouvent les textures d’instruments (a-)tonaux : grincements métalliques, sifflements, granulations, on jurerait que
Wolfarth joue des percussions à partir d’archers divers. Ou qu’il les retraite à partir d’un laptop, ce qu’il ne fait pas, et qui conserve à sa musique son caractère brut, assez peu raffiné ou policé, mâle pour tout dire.
D’autre part, par la précision du détail sonore, des variations de tonalités et de timbre, qui laissent entendre que, y compris dans l’improvisation, dans un temps à grande vitesse,
Christian Wolfarth mesure précisément la portée et la sonorité de ses frappes, de ses coups, de ses mouvements. Cette précision même réintroduit contre toute attente une forme d’écriture à l’intérieur de l’improvisation (si on expulse le hasard de la musique improvisée, est-ce qu’elle ne devient pas une musique écrite ?). D’autant plus que ce
Wolfarth, portrait de l’artiste en improvisateur simple, l’une des rares productions du monsieur en solo, le révèlent à son point de concentration le plus fort : l’artiste dans sa sévère solitude, son rigoureux ermitage intérieur.
Chroniqué par
Mathias
le 01/08/2006