S’il reste relativement confidentiel, le label helvétique
Spezialmaterial a su en quelques années se forger une véritable identité. Il suffit pour s’en convaincre de réécouter le troisième volume des très bonnes
SM compilation, sorti en 2003. Présentant les figures de proue de l’écurie, et notamment l’excellent duo
Intricate, ce disque était en outre agrémenté de remixes de
Plaid et de
Phonem dont la présence permet de cerner l’esprit du label et témoigne de la qualité de ses productions.
Part I-XIV, premier opus de
Solarium sorti en 2002, était largement composé de titres ambiant, s’apparentant souvent à des paysages sonores. Parfois jugé d’accès difficile, ce disque est davantage resté dans les annales pour son étonnant packaging en bois qu’en raison de son contenu pourtant digne d’intérêt. Avec ce deuxième album, Martin Wigger a entendu marquer une rupture puisque l’ensemble des titres d’
Olari est caractérisé par un très gros travail sur les structures rythmiques. Cette évolution n’est pas complètement surprenante lorsque l’on sait que Wigger officie également sous le pseudonyme de
Staubsauger.
Dès le premier titre
olar, on décèle un univers singulier : les sons générés par les machines pétillent, grésillent et se réverbèrent pour créer une ambiance unique, à la fois oppressante et envoûtante. Mêmes sensations avec le morceau suivant
uir dont le beat vous fouette littéralement les oreilles. Cette atmosphère se dégagera tout au long de l’album. Les rythmes sont rugueux, parfois abrasifs, toujours complexes. Ils s’accompagnent de mélodies minimales qui demeurent en retrait d’une explosion de sonorités savamment ordonnées autour de lourdes basses. Ainsi, lorsque l’excellent
ium donne à entendre une ritournelle enfantine, comme on en rencontre souvent chez
Isan, celle-ci est finalement absorbée dans un fracas de distorsions et de grésillements.
Sombre et mélancolique,
Olari pourrait être le fruit de la rencontre entre
Autechre et
Edward Artemiev, compositeur de la musique du film
Solaris de Tarkovski. L’on peut d’ailleurs s’interroger sur l’étendue des liens, à supposer qu’il y en ait, entre cet album et le film du maître russe. Une certitude :
Olari, et singulièrement son ultime morceau
uira, constituerait la bande originale parfaite pour ce chef d’œuvre du septième art.
Olari est donc une oeuvre unique, à la production fine et soignée. Son homogénéité en est à la fois sa force et sa faiblesse. Force parce qu’il s’en dégage une véritable cohérence ; mais faiblesse également parce que son écoute exige que l’auditeur adhère immédiatement à cet univers très personnel dont les jalons sont posés dès les premières minutes. Reste donc un album indispensable pour tous les amateurs d’Arovane & Phonem, de Seven ark et de toutes autres perles électroniques du genre.
Chroniqué par
Johann
le 31/07/2006