Où la preuve est apportée que
Cerberus Shoal, depuis ses débuts punk en 1994, a fait du chemin, délaissant les atmosphères obscures du post-rock au profit d’une théâtralité baroque, une sorte de longue geste épique en six épisodes, orchestrale (on ne compte plus le nombre d’instruments qui se disputent l’espace audible, d l’accordéon aux xylophones et autres marimbas), gorgée de voix (qui couvrent tous les registres avec une expressivité étonnante).
Ménageant la mélodie comme la folie dissonante,
Cerberus Shoal joue sur tous les tableaux, et propose un psycho-rock dont la singularité n’interdit pas la citation à outrances des friches post-rock : ici, c’est le
Rideau de
Tape (
Pie for the President) que l’on entend, ailleurs, c’est
Godspeed (
Junior).
Cette exploration du
pays en lequel nous croyons tous s’effectue dans une sorte d’utopie visualisée par la magnifique pochette, mais peut-être avant toutes choses à l’intérieur de quelques bastions recommandables de la musique moderne, pas forcément compatibles entre eux, ce qui créé de belles différences de potentiels. On est jamais loin de Swift et de son Gulliver tant le voyage est étrange, mais l’exploration du monde imaginaire se double toujours d’un versant formaliste, celui de l’exploration de syntaxes, de langages, de vocabulaires musicaux divers : bloc narratif compact, mais comme fissuré par un dialogisme qui se dévoile au fil de l’écoute (des écoutes), ce
The Land We All Believe In se révèle pour le moins labyrinthique. D’où une certaine grandiloquence (d’autres préfèreront l’idée de théâtralité) qui, si elle peut irriter, est aussi, ici, le gage d’une originalité certaine.
Chroniqué par
Mathias
le 09/06/2006