Bonne surprise que ce double volume de Collabs Tapes de
Kool Keith, qui rassemble du neuf (
Doper Skiller avec MF Doom, paru sur
Venomous Villain) et du moins neuf (
King of New York avec Dan the Automator). Et, de manière générale, une étonnante unité esthétique, qui court sur deux fois soixantes dix minutes d’un seul mouvement, d’un seul souffle (les quarante-deux pistes sont enchaînées par
Junkaz Lou avec une belle maîtrise des transitions), qui fait passer cet album de grande ampleur comme une lettre à la poste, avec une légèreté, une force, une vigueur dont son format semblait devoir d’abord le priver.
Que fait
Kool Keith avec ses potes ? Quarante deux morceaux qui tirent dans tous les coins, d’une énergie et d’une rigueur rares (bel équilibre de raffinement et de force) et qui semblent inventer une voie sans équivalent entre un certain classicisme hip-hop (jamais old school pourtant : il y a presque un pari dans cette manière de (ré-)inventer un classicisme hip-hop qui ne soit pas old school) et la digitalité du hip-hop le plus pointu, celui qui cherche du côté de l’électronica et des musiques ghetto (sans rien avoir à faire avec les musique ghetto, non plus).
Ovni donc, que ce disque de hip-hop qui n’est pas vraiment un album mais qui en a la concision et la force, qui se déplace tangent à certains codes, certains genres très localisés sans leur appartenir, pour développer son propre propos, son style spécifique, le tout accompagné d’une pléthore d’invités qui n’éclipsent pas son rôle de meneur (Mot d’ordre de
Kool Keith : être soi dans les autres ?) :
Percee Pee, Sir Menelik, Ice-T, The Smut Peddlers, Tim Dog, Godfather Don, Chino XL, MF Doom, et consorts. Tous invités de marques, qui dessinent avec Keith quelques échanges scandés de haute voltige, le flow virtuose et mutant du maître d’œuvre sachant s’adapter avec souplesse à celui de ses invités.
Pour couronner ce tout hautement stimulant et inventif, un
All Night Everyday d’anthologie clot ces
Collabs Tapes, et réinvente d’un seul coup toute la pornogaphie rapologique. Indispensable entre les indispensables, il te faut jeter une oreille au moins sur ce titre, quelque soit ce que tu écoutes habituellement, auditeur. Ecoute-le, donc, et tu vas comprendre ta douleur.
Chroniqué par
Mathias
le 01/06/2006