Lorsque
Steve Lacy s’attaque, en 1981, au format chanson, il choisit de mettre en musique les mots du poète et peintre américain
Brion Gysin, affilié un temps au mouvement surréaliste, et compagnon de route sincère de la Beat Generation.
C’est grâce à la présence d’
Irène Aebi que le saxophoniste a souvent fait incursion dans le domaine. Ici, la chanteuse scande
Gay Paree Bop sous les entrelacs spécieux de
Lacy et
Steve Potts avant de se laisser aller à plus de nonchalance sur
Nowhere Street, marche dissonante décidée par l’égrenage d’accords du pianiste
Bobby Few, ou sur
Somebody Special.
Participant au projet,
Gysin donne une lecture de
Luvzya sans tenir compte des accents improvisés du batteur
Oliver Johnson, ou adopte, au contraire, le rythme des musiciens le long des trois textes formant
Permutations.
A l’affût sans cesse de couleurs différentes,
Lacy décidera de mener son groupe selon les manières d’un thème singulier de comédie musicale (
Keep The Change), d’un swing accueillant récitation et chant d’un même poème (
Blue Baboon), avant de conclure en donnant une autre version de
Nowhere Street,
Aebi évoquant cette fois la figure d’une
Abbey Lincoln inspirée par
Max Roach.
Manières diverses de défendre la chanson, d’inviter le texte à fleurir quelques compositions impeccables,
Songs était trop raffiné pour pouvoir faire école. Cette réédition est une preuve de plus que le jazz vocal a quelques fois été tout le contraire du ramassis malpropre de mots fades, de musique pompière, et d’interprétation toc, faisant aujourd’hui loi dans le milieu.
Chroniqué par
Grisli
le 31/05/2006