Tim Berne est définitivement un saxophoniste passionnant et cet album enregistré avec son groupe
Caos Totale en 1994 et réédité récemment en fournit à nouveau une élégante preuve par trois. Entouré de lieutenants fidèles (
Marc Ducret à la guitare, toujours en rupture, avançant par franches coudées,
Bobby Previte, assez discret,
Django Bates aux claviers), derrière lesquels il n’hésite pas à disparaître,
Berne mène son jeu entre conversation à sept et chaos sonore :
Marc Ducret et
Django Bates, outre leurs instruments, jouent des ombres et de la confusion (
shades, confusion, dit la pochette).
La musique que livre le septuor produit son propre clair-obscur (voir
The Third Rail, une manière d’être opaque dans la transparence) : entre ce qu’elle construit et ce qu’elle défait, une subversion s’opère sur le matériau que chacun propose à chacun. Mais où se trouve la subversion ? Dans une façon de réimposer un thème, une mélodie après un début extrêmement âpre et frugal (la guitare de
Marc Ducret, à nouveau), ou dans celle, plus classique désormais, de déconstruire ce qui cherche à s’ébaucher ? La musique que poursuit
Tim Berne joue toujours de cette ambiguïté féconde et stimulante qui fait s’interchanger les propositions et les perspectives.
Rien d’étonnant alors, à ce que l’effacement du leader devienne chez
Tim Berne un art à part entière : il se tient là au milieu des autres, en creux, dans un jeu d’une intériorité qui fait contrepoint avec les ornements baroques de ses coéquipiers (
Impacted Wisdom). Toujours là en agissant peu,
Tim Berne mène sa formation avant tout en ouvrant des espaces de liberté, ingénieusement exploités par son collectif. Raffinement, puissance de feu et maîtrise : le septet de
Tim Berne frappe fort.
Chroniqué par
Mathias
le 26/04/2006