Avec
Underwater Cinematographer,
Arts & Crafts atteint ce point d'équilibre, véritable marque d'excellence d'un label, entre, d'un côté, la cohérence musicale inhérente à l'identité d'un catalogue qui tend à la reproduction des mêmes sorties et, de l'autre, la nécessaire recherche de l'originalité impliquée par l'exploration d'une perspective artistique. Ainsi, si le premier album de
The Most Serene Republic évoque immanquablement ceux des autres formations du label montréalais – au premier chef, évidemment,
Broken Social Scene –, il possède sa force propre, un caractère unique, qui le singularise, le rend indispensable.
La musique du groupe, pétrie des influences multiples de ses six membres, s'entend comme une somme sélective et parcellaire de ce qui s'est fait de mieux ces dernières années : l'exigence quasi-expérimentale des compositions et l'attention particulière portée aux textures de
Animal Collective ou de
Fog, la prodigalité, en moins baroque, de
Architecture in Helsinki, la fougue, l'urgence de
Arcade Fire...
Comme tous ces groupes, les Canadiens ne sont jamais meilleurs que lorsqu'ils cèdent tout à l'inspiration dionysiaque et refusent la réitération des schémas classiques, en explosant le format standard de la pop song. Bannissant la linéarité, la musique impulsive de
The Most Serene Republic joue des brisures, des ruptures. Elle déroute, surprend, efface les repaires trop évidents, et par là, offre l'ivresse de se perdre dans un flux sonore mêlant guitares acoustique et électrique, piano, choeurs et distorsions électroniques. De ce torrent impétueux émerge la voix d'Adrian Jewett, qui, frêle et aiguë, presque dissonante par instants, souligne la complexité des harmonies créées par le sextet de Toronto.
En réalisant un premier album remarquable, vierge de tout compromis,
The Most Serene Republic donne raison à tous ceux qui croient depuis un certain temps déjà que l'avenir de la pop se joue aujourd'hui de l'autre côté de l'atlantique et en particulier au Canada.
Chroniqué par
dfghfgh
le 19/04/2006