Eliot Lipp pratique une électronica hip-hop de type préfusienne et pour cause : il est signé chez
Hefty Records. Cet ascendant préfusien est précisément ce qui fait le charme et la limite de sa musique.
Habile à enchaîner des schémas surprenants,
Cushan s’ouvre sur un beat groovy qui convoque bientôt Fender Rhodes et trompettes dans une électronica dancefloor et funky pourtant un peu sage.
Real Tragic joue le jeu des vocaux déconstruits, de la texture sonore divisée en une infinité de petits éléments hétérogènes, où la touche soul se renverse progressivement en un jeu de belles textures synthétiques.
Sheridan enfin taquine le
Cinematic Orchestra sur son propre terrain et dévide tranquillement sa formule jazz-atmosphérique. Le problème est donc posé : cet
Immediate Action #10 propose une musique plaisante et maîtrisée mais en grave défaut de personnalité.
Qu’à cela ne tienne,
Rap Tight est là pour réparer les dégats à coups de sonorités synthétiques dont le côté rétro est bien davantage assumé : d’où un incomparable gain d’efficacité.
Rap Tight, presque-hymne bras-en-l’air pour nerds lyriques, est un beau titre épique et dense, électronique dans ses formes, hip-hop dans ses rythmiques, rock’n’roll dans l’énergie qu’il déploie, tandis que
The Shade use de ses judicieux samples de basses pour produire un titre différentiel, à la fois dansant et atmosphérique.
Ces deux maxis témoignent donc d’une musique encore hésitante, entre revival décomplexé et intellectualité électronica, superflue ici. Pour le dire vite la musique d’
Eliot Lipp est intelligente quand elle a dépassé ce moment de l’intelligence qui réclame de produire des formes, justement, intelligentes : intelligente, en somme, quand elle ne cherche pas à l'être ou à s'afficher comme telle. On tient donc là – peut-être – un producteur de talent en devenir, pourvu que sa musique garde ce sens de la légèreté qui lui va le mieux.
Chroniqué par
Mathias
le 14/04/2006