Première fois signée chez
Jarring effects,
Brain damage est le groupe de dub français qui ose franchir le plus les frontières de son style en y administrant une vision moderne et sans limites.
Always Greener démarquait le combo par leur façon émotionnelle d’aborder le dub ;
Ashes to Ashes / Dub to Dub montrait une esthétique sonore aboutie avec une nouvelle passion pour le spoken word (et les textes de
Black Siffichi, désormais passé pour référence du genre). Dans
Spoken Dub Manifesto, le duo assume totalement cette nouvelle orientation avec pour seul fil conducteur : le dub poetry.
La pléiade d’invité offre au concept une grande richesse, d’une part due à la liberté narrative des intervenants, et d’autre part, par les expérimentations que les musiciens ont bâti. Nombreux instruments (Guitare, duduk, ney, vibraphones) ont été utilisés pour la création des samples, remodelés et réinjectés autour des narrations et de la basse.
Les prestations sont multiples et personnelles. Entre le style dénonciateur de
Black Siffichi, la poésie orientale de
Mohammed El Amraoui et le rap brut de
Giovanni Marks,
Suzanne Thoma adopte la sensualité et la douceur. Pourtant non dépourvue de charme,
Emiko Ota préfère, par une approche moins organique et plus directe, faire passer son discours dur avec énergie. Le grand
Mark Stewart, sur l’étrange
Mad Truth, prête sa voix grésillante au côté d’un sample paradoxal, à la fois simple et complexe, roots et sauvage. Plus sage, le spécialiste des techniques vocales ancestrales,
Bart Plantenga, exprime une récitation claire et articulée sur une excellente track évolutive.
Avec ce véritable travail de collaborations,
Brain damage crée la parfaite osmose entre son univers musicale et les travaux des vocalistes. L’effet apporté est, au départ, étrange et dur à assimiler. Puis, après plusieurs écoutes, tout devient clair et
Spoken Dub Manifesto apparaît comme la nouvelle perle du parcours des stéphanois, malgré l’absence de titre phare émo-dub digital, comme
Cube Dub a pu l’être sur leur deuxième album. Mais cette petite frustration est totalement annihilée par le plaisir que procure la découverte de toutes les subtilités et finesses de la galette.
Il est nécessaire pour le groupe de prendre des risques et de s’entourer de personnalités aux horizons et nationalités différentes, toutes ouvertes aux expérimentations et à cette perception diversifiée de la musique. Décontenançant par sa forme et proche d’une production Wordsoundienne,
Spoken Dub Manifesto doit marquer le paysage dub français, et s’imposer comme un simple coup de maître. Chapeau bas Messieurs Brain damage !
Chroniqué par
Kiteklat
le 25/03/2006