Clogs, formation américaine qui compte dans ses rangs deux membres de
The National(Bryce Dessner et Padma Newsome), nous offre avec
Lantern un quatrième superbe album, qui accompagnera sans doute longtemps tous les amateurs d’une musique instrumentale exigeante sans être intimidante.
Comment définir l’univers sonore de
Clogs sans risquer de l’enfermer dans une catégorie trop étroite ? Musique contemporaine, musique expérimentale, post-rock de chambre,
Clogs est sans doute un peu tout cela, mais avant tout, c’est une musique libre de ses mouvements, vagabonde cueillant les fleurs d’une rhétorique musicale souple, mise au service d’un langage qui ne nous offre rien à comprendre, simplement à ressentir l’émouvante beauté de ses figures. Guitare, piano, mandoline ukulélé, basson, violon, alto, mélodica et percussions sont conviés au dialogue : de leurs échanges, calmes ou vibrants, tourmentés ou sereins, naissent douze pièces aux nuances infinies, traversées d’humeurs versatiles qu’incarnent ici en toute délicatesse les arpèges modulés d’une guitare baroque (
Kapsburger), ailleurs les phrases tour à tour enveloppantes ou saccadées d’un alto (
5/4).
Death and The Maiden est une prodigieuse exacerbation de gestes mêlés : s’ouvrant sur la plainte romantique de cordes mélancolique, le morceau, accélérant la cadence, saisit l’auditeur en s’intensifiant progressivement : une section de percussions ensorcelantes fait irruption, emportant avec elle les coups d’archet lancinants des violons, tandis qu’un basson volubile souligne les élans, jusqu’au brusque silence. Le morceau qui suit est l’instant de grâce chanté (il en existe un sur chaque album de
Clogs) qui irradie le cœur du disque d’une tristesse apaisée.
On pourrait convoquer
Rachel’s ou encore
Bell Orchestre avec qui
Clogs a tourné en 2005, mais ce nouvel album confirme que cette formation possède une identité sonore unique, que
Lantern achève de rendre indispensable à notre environnement intime.
On finira sur une note factuelle, la présence du duo français expérimental
Man, qui a composé le morceau
Canon, à défaut de pouvoir pénétrer plus avant le secret d’une beauté qui rend rend dérisoire toute tentative de la dire. Une chose est sûre : on tient entre les mains l’un des disques de notre année 2006, mais sans doute aussi de notre vie.
Chroniqué par
Imogen
le 11/02/2006