Sur la longueur de 4 CD (88 titres), le label Proper records retrace avec pertinence le parcours d’un
Charles Mingus des origines, contrebassiste respectueux des engagements ou leader explorant d’un point de vue plus personnel les ambitions du musicien et les attentes du créateur.
Rapportée chronologiquement, la sélection débute par des enregistrements auxquels le contrebassiste participa de chez lui, sur la côte Pacifique. Derrière le saxophoniste
Illinois Jacquet ou au sein de l’orchestre de
Lionel Hampton – musicien doué d’oreille qui vantera les talents du jeune homme sur
Mingus Fingers -, servir une ère du swing qui sévit encore. Pour se permettre, ensuite, d’approcher avec son propre sextette une musique moins sage, qui se frotte au blues (
Lonesome Woman Blues) et accepte les arrangements plus tourmentés (
This Subdues My Passion).
En 1950,
Mingus remplace
Red Kelly dans le trio du vibraphoniste
Red Norvo et instille un peu de noir à l’ensemble, bousculant (légèrement tout de même) ce jazz de chambre annonçant le cool au rythme d’un archet audacieux (
Time and Tide) ou de pizzicatos à la limite parfois de l’impudence (
Night and Day). Façons de faire que
Mingus dévoile bientôt à New York, où il s’installe en 1951.
Epoque des rencontres fructueuses – celle, d’abord, du batteur
Max Roach, qu’il retrouvera dans différentes formations et avec qui il créera le label Debut – et de collaborations remarquables : avec
Oscar Pettiford, la presque-figure du rival (
Cello Again),
Stan Getz,
Miles Davis, ou
Lee Konitz, qu’il compte dans son quintette (le classicisme, convenu, de
Konitz prenant un coup d’excentrique sur
Extrasensory Perception). A force d’approches reconduites, arrive enfin l’heure des premières dissonances et des grincements légers : sur
Montage, en 1952, joué en compagnie de
Roach et
Jackie Paris.
Cette année et la suivante sont celles, décisives, du passage pour
Mingus de l’époque des interrogations à celle des convictions – même changeantes. Pertinemment, le dernier volume du coffret évoque une dernière fois le contrebassiste avide d’apprendre de ses aînés -
Charlie Parker ou
Bud Powell -, avant de donner à entendre le résultat des premiers workshops qu’un
Mingus en âge de transmettre mènera de main de maître, et qui accueilleront
Paul Bley,
Kenny Clarke,
Eric Dolphy,
Booker Ervin ou
JackieMcLean, révélations d’un compositeur immense et d’un passeur perspicace.
Chroniqué par
Grisli
le 24/01/2006