Projet conçu pour fédérer les troupes électronica londoniennes, le projet
London Electrics a une visée clairement militante puisqu’il se veut une réponse au « défi montant du téléchargement, à la fracture croissante de la scène électro et à une frange du public qui semble davantage intéressée par les sonneries de téléphone portables maladivement contrariantesque par la musique électronique de qualité », cette première compilation, pleine de morgue, pèche un peu, paradoxalement par manque d’ambitions.
Le théâtre des opérations : douze morceaux inédits pour six labels (
AI,
Seed,
Highpoint Lowlife,
Suburb,
Uncharted Audio,
Expanding) tous plus ou moins versés dans une électronica analogique dont le modèle reste sans conteste
Boards of Canada. Autant dire que le projet ne déploie pas les humeurs guerrières qu’on croyait une minute auparavant devoir lui prêter, au profit d’une électronica tempérée, douce, parfois sage à l’exception de
Fall of Empire qui n’hésite pas à sortir la grosse artillerie saturée tirant vers la drum’n’bass pour piloner les enceintes.
Le reste demeure affaire d’électroniciens plongeurs ou d’expérimentateurs sous cloche, enfermé dans une bulle presque complètement étanche aux humeurs britanniques du moment (le grime, entre autres). Il y a comme un déni d’actualité à l’intérieur de cette compilation qui pose problème, comme si elle était destinée à être un état des lieux passés en matière de musique synthétique et qui, au contraire de ce qu’elle vise (réveiller le public, si l’on en croit les déclarations d’intentions citées plus haut), risque d’en restreindre l’auditoire potentiel en retenant surtout les fans hardcore d’électronica qui avance sur du velours. Les chercheurs d’adrénaline et de sons urbains mutants tels que l’Angleterre les a largement pourvoyés ces derniers mois se détourneront de
London Electrics. Mais c’est très probablement quelque chose qu’il faut moins imputer à un défaut de qualité majeur qu’à la force de perturbation des musiques en question, le grime ayant tout balayé dans le paysage anglais ces derniers mois au point de ne plus laisser debout, pour l’instant, que sa propre image.
London Electrics arrive peut-être légèrement trop tard, dans un porte-à-faux avec le temps qui risque d’en abîmer la réception, car si le projet est inactuel à l’heure qu’il est, quelques belles réussites demeurent :
State de
Vessel,
Lumi de
Blamstation,
Largo Winch de
Fisk Industries ou encore
Tonight IQ de
Yellotone. De quoi prolonger avec nostalgie les délices du son analogique et de l’inactuel, donc, avant de passer à autre chose.
Chroniqué par
Mathias
le 23/01/2006