De préférence et à l’évidence,
Clayton Thomas et
Robin Fox aiment à se situer à la croisée du retraitement électro-acoustique de pointe et de l’improvisation avec inserts concrets. Ce
Substation voit donc se conjuguer les talents de recycleur sonore de
Clayton Thomas avec ceux de contrebassiste de
Robin Fox, lequel invente également des objets sonores. Une pièce emblématique de leur travail est à ce titre
Dust on the Diodes, trame scintillante de cordes frottées retraitées pour donner lieu à une texture brillante et glissante portée par le grondement sourd et tendu de la contrebasse. Au fil du temps les cordes se mêlent aux micro-percussions pour former un corps entre son et bruit dont le volume, la respiration et le mouvement se modifie peu à peu. Le tout pendant près d’une trentaine de minutes qui garantissent à cette pièce son effet hypnotique, faisant d’elle un centre aveugle, long mouvement giratoire de textures irrégulières.
Même si le son explose en myriades d’harmoniques et d’objets sonores non identifiés, le disque dans son intégralité se dote d’une linéarité et d’une progressivité que l’on rencontre de plus en plus rarement dans la musique électro-acoustique : le premier titre,
Direct Couriers, s’ouvre ainsi sur des inserts métalliques dialoguant avec la contrebasse et quelques micro-sons de synthèse, avant de laisser la place à
Shuffle, improvisation de contrebasses démultipliées, pièce la plus acoustique du disque.
Le long de leurs six compositions,
Clayton Thomas et
Robin Fox poursuivent l’exploration d’une même couleur sonore, tout en prenant garde à varier les nuances : ainsi de
Bird Song, morceau aux textures apaisées, glacis sonore où viennent se glisser toute sortes de son, de la vrille sautillante à l’ondulation du fond du mix, pièce évoluant par cercles concentriques qui émettent çà et là quelque élan de chant fantôme, quelque départ de mélodie oubliée. D’expérimentation sur les fréquences, la pièce glisse doucement à la pièce mémorielle, convocation de souvenirs de mélodies spectrales, en délitement, allant chercher
Murcof sur son propre terrain. Des pièces comme
Between Downpours ou
Bird Song font ainsi évoluer quelques revenants sonores au milieu de ruines électro-acoustiques construites à l’aide de son en instance de disparition et d’un bric-à-brac d’inserts concrets des plus insolites. Le tout voisine avec des pièces bien plus denses et charnues, comme
Substation (Reprise) ou
Dust on the Diodes, comme si les deux musiciens avaient chercher à joindre à l’angoisse des vestiges une vie en affirmation permanente, surgissement de son et énergie fréquentielle. Objet difficile à saisir tant il joue à déplacer la réception de l’auditeur,
Substation réserve encore quelques mystères séduisants qui devraient lui assurer un public attentif.
Chroniqué par
Mathias
le 22/01/2006