Richie Hawtin a changé de look. D'intello au crane rasé et à lunettes aux
montures marquées, il est passé à la mèche platine de côté, façon clubber allemand (cf.
Sven Vath). Si l'on peut être sûr que ce bouleversement entraînera de vifs débats dans les milieux spécialisés, la démarche artistique, elle, est restée inchangée et conservera le crédit du Canadien auprès de l'auditoire techno. Ce nouveau mix de la série DE9 continue en effet de suivre au plus près les innovations technologiques pour créer une techno toujours plus essentielle. Lors du dernier épisode (
DE9 : Closer to the edit), on avait définitivement compris que la frontière entre le DJ minutieux et le producteur esthète n'était qu'une distinction théorique.
DE9 : Transitions voit
Richie s'emparer d'Ableton Live et reprendre le principe d'une reconfiguration précise de courtes loops de morceaux déjà existants, tirés de son propre catalogue ou de sa collection de disques, afin de créer des productions tout à fait originales et intégrées dans une continuité.
Ce nouveau mix exploite les possibilités du 5:1 pour aller encore plus loin. Le staff d'Infratunes n'ayant qu'un systeme stéréo à sa disposition (signez les pétitions, envoyez vos dons), nous nous contenterons d'une spatialisation conventionnelle pour considérer ce que vaut
DE9:Transitions. C'est d'ailleurs prévu par le package : l'objet se présente sous la forme d'un DVD incluant interviews, clips, live et le mix sous sa forme originale de 96 minutes mixées en 5:1, et il accompagné d'un CD audio contenant à la fois une version mp3 de ces mêmes 96 minutes, et une version éditée du même mix pour qu'il se limite aux 74 minutes de rigueur. En adéquation avec son époque, l'artiste se pose lui-même la question de l'embarras du choix des formats et choisit de le laisser, le choix, à l'auditeur.
Comme une bonne part du travail de celui qu'on appelle aussi
FUSE ou
Plastikman,
DE9 : Transitions est un travail d'esthète, qui épate par sa mesure et son perfectionnisme. Sur vingt-huit segments, on est invité à une introspection d'une subtilité rythmique et d'une finesse mélodique sidérantes. Si on avait été habitué à des prouesses dans le genre (
The Button-Down Mind Strikes Back ! de
Daniel Bell ou la
Groovetechnology 1.3 de
Swayzack, entre autres), le niveau de détail supérieur revendiqué est au rendez-vous et c'est saisissant. Chaque demi-mesure est mesurée et vibrante, l'esprit techno est là, subliminal, dans chaque palpitation rythmique. L'ensemble est hypnotisant et apparaît autant réfléchi sur la longueur, fonctionnant par périodes d'atmosphères distinctes même si le glissement de l'une à l'autre s'effectue de façon quasi-subliminale (à part un ou de cas où un roulement de snare annonce le passage sans rien gâcher), qu'à un niveau plus "micro" où la retenue avec laquelle sont dispatchées les boucles n'empêche pas la jouissance, et au contraire, la décuple. Lorsqu'un nouveau clic fait son entrée, c'est souvent dans toute une parade de sensualité froide, de jeux de résonances avec une basse adjacente qui stimulent l'oreille à chaque seconde, provoquent une sorte de transe intellectuelle qui incite à une descente presque spéléogique dans ce que la suggestion numérique peut avoir de plus pointu.
On retient son souffle à chaque minute,
Richie Hawtin semble avoir atteint le point limite de la perfection en matière de mix techno... pour notre temps
t de technologie.
Chroniqué par
Guillaume
le 05/01/2006