« La musique acousmatique a pour but de développer le sens de l'écoute, l'imagination et la perception mentale des sons. (…) Les sons enregistrés ou créés sont alors, par un lent travail de métamorphose et d'écriture manipulés, transformés par ordinateur et organisés par un montage et un mixage élaborés, en une composition musicale. » Telle est la définition de la musique acousmatique donnée par le site de
Musiques & Recherches, qui insiste sur la distinction de cette musique et de la musique électro-acoustique : là où la musique électro-acoustique désigne une forme musicale définie par un faisceau de moyens techniques, la musique acousmatique se définit comme un genre musical à proprement parler, qui se voudrait indépendant de ses modalités de production. La ligne de démarcation tracée entre la musique acousmatique et la musique électro-acoustique, c’est que la musique acousmatique propose des objets sonores à ses auditeurs et semble se préoccuper avant tout de la réception de ces objets, de leur perception, de la manière dont ils peuvent influer sur l’acte d’écoute. Musique qui se veut avant tout vivante, relationnelle, et présente, évolutive, puisqu’elle se révèle pleinement en concert, lorsque l’exécution est appuyée par un ensemble d’amplification complexe, l’acousmonium.
Cette compilation ne déroge pas à la règle, qui donne l’occasion aux lauréats du troisième concours biennal de composition acousmatique, sélectionnés au milieu de 118 candidats, de laisser une empreinte de leurs montages d’objets sonores sur les sillons d’aluminium des deux disques de cet état des lieux. Avant tout, il s’agit d’une belle collection de pièces impressionnistes, faisant de l’ordinateur et des dispositifs électro-acoustiques, contre toute attente, des outils de poiesis sonore (architecture du son et poésie) bien davantage que des laboratoires virtuels d’où sortiraient des propositions qui cherchant à se mettre à l’épreuve de l’écoute des auditeurs. Compilation située dans une démarche à la fois expérimentale et post-moderne, puisqu’elle cherche moins à donner un porte-voix pour jeunes compositeurs de musiques savantes que de récompenser des travaux qui font le grand écart entre recherche pointue, innovations musicales, prospection laborantine et plaisir immédiat de l’écoute, délicatesse de l’écriture, qu’elle soit timbrale, spectrale, fréquentielle, ou simplement musicale. On retiendra particulièrement les
Théories sous-marines de
Théodore Lotis, bel essai de musique liquide qui rappelle un peu les travaux de
Christian Zanesi, le morceau d’
António Ferreira,
Evidence of Things Unseen,
The Fragment of Glass de
Saburo Ubukata, rigoureuse lutte avec la substance sonore, manipulation quasi tactile de l’espace par le son,
Les Forges de l’Invisible et
Panic, Melancholy, lauréats des premiers prix, et
Hamlet-Machine with Actors, pièce écrite à partir de la pièce de
Heiner Müller . En fin de compte se dessine la carte d’une musique protéiforme, riche en images et en espaces sonores improbables, musique injustement confidentielle mais tout à fait proche, dans l’esprit, des travaux de musiciens électronica comme
Fennesz ou
Peter Rehberg : la musique savante qui fait du plaisir de l’écoute le fer de lance de son savoir et de ses savoir-faire.
Chroniqué par
Mathias
le 29/12/2005