Les obsessions personnelles en matière d’art, vaste problème où se côtoient le meilleur et le pire. Pour un
Lost Highway, pour un David Lynch, combien de tâcherons néo-dark ? Un paquet, malheureusement. On va dire, grosso modo, que les obsessions sont une matière première à double tranchant, un or noir, au sens propre du terme : dans les mains d’un génie, voilà qu’elles donnent lieu à une œuvre où la psychose est immédiatement dépassée au profit d’un questionnement ontologique ; dans les mains d’un tâcheron, on a souvent droit au même plat réchauffé de choses connues, déjà vues, déjà entendues, déjà aperçues. Tout est question, en somme, d’exploitation, de
raffinement de cette matière première : de la finesse dont on va épurer la glue noirâtre pour en sortir quelque chose de valeur.
Tracer, dernière livraison d’
Omit (pseudonyme de Clinton Williams) se place dans la catégorie noir et boue plutôt que dans la rubrique or et fluide : problème d’expression, de raffinement, d’énonciation musicale de phénomènes et d’angoisses partagés par tous, la musique (et les obsessions) d’
Omit apparaît très souvent (trop ?) sous des formes connues, rebattues, sous des lourdeurs d’autant plus accablantes et répétitives qu’elles durent le temps d’un format double, cent vingt minutes de musique au total : difficile à avaler.
Omit ne pratiques pas le renouvellement de la musique des autres, ni de la sienne dans le cadre d’un même album : aussi voit-on reparaître les mêmes schémas, nappes sombres, amples, gonflées à la reverb ou au delay, percussions souples dans leur volume sonore mais rigides dans leur structure rythmique, quelques drones. Des phénomènes sonores ont lieu de manière unique, comme la voix filtrée et robotique du premier titre mais qui, loin d’apporter fraîcheur ou respiration, noircissent le tableau : on se prend à remercier
Omit de nous avoir épargné, pour une fois, le retour d’un tel motif. Etrange manière, en définitive, de susciter chez son public une certaine gratitude à l’égard d’un disque pour lequel il n’en aura (de gratitude), par ailleurs, aucune.
Chroniqué par
Mathias
le 11/12/2005