« Zabu Martinez Gil Scott Heron, Derek Jarman, Alejandro Jodoroswky, John Coltrane, Talking Heads, Curtis Mayfield, Henry Miller, Lenny Linston Smith, Vera Saunders, Joy Division, Sun Ra, Jack Kerouac, Nick Drake, Paul Auster, Fela Kuti, KLF, Talk Talk, Art Ensemble of Chicago, Jimi Hendrix, Andy Warhol, Cato Barbieri, Chet Baker, Art Blakey, Federico Fellini, Kitano Belaso, Mohamed Ali, Jo Bim, Ivan Lim, Gilberto Gil, Kraftwerk, Jean-Luc Godard, Serge Gainsbourg, Pier Paolo Pasolini, Hip Hoppers, Punk Rockers, Hip Hoppers, Punk Rockers. »
C’est sur cette longue énumération monologuée de références diverses, pas forcément artistiques d’ailleurs, que se clôt
Experiments in Ambient Soul de
The Dining Rooms, album qui fait un peu mentir son titre et cette longue liste, et qui fait montre d’une unité bien supérieure à l’hétérogénéité ici promise. C’est que, même si le punk et le hip hop sont les influences premières et fondatrice du duo, on n’en retrouve que très faiblement la trace : point de punk ici, du hip hop subsistent des rythmiques, des beats, quand ceux-ci ne sont pas remplacés par une batterie adepte des rythmes ternaires et des charleys, une même tendance à récupérer un faisceau d’influences pour les réorchestrer de manière nouvelle.
Musicalement,
The Dining Rooms pratiquent une sorte de funk électro à tendance soul, dans la lignée de la musique d’
Isaac Hayes (on retrouve quelques samples tirés de la BO qu’il a composée pour le film
Shaft de Robert Roundtree), versant funk du
Cinematic Orchestra. Même goût pour les longues plages instrumentales où s’ouvrent les rythmiques, pour l’insert de motifs répétitifs à l’intérieur d’amples mouvements rythmiques, pour la dimension hypnotique et visuelle du son (le duo collabore régulièrement avec la vidéaste Maria Arena). Beaucoup de guitares, de Fender Rhodes, des rythmiques souples : les vocaux mis à part, on dirait que
The Dining Rooms tient la position médiane entre l’épure (jusqu’au squelette rythmique) du quartet de
Truffaz et le foisonnement baroque et volontiers labyrinthique du
Cinematic Orchestra. C’est là que le jeu des références énoncées est pris en défaut : plutôt qu’un projet qui accueillerait de manière brute toutes les sources d’inspiration qui passent à sa portée,
The Dining Rooms se présente davantage comme, au choix, un projet qui a complètement assimilé ses références, au point d’en faire disparaître toute trace et de n’en garder que l’esprit, pas la lettre (d’où cette ré-énonciation finale, qui fait accéder l’auditeur à l’échafaudage de l’album), ou un projet complètement maîtrisé au point de tenir toutes ces références en respect. Chose louable, penseront les uns, amateurs de raffinement, peut-être un peu dommage, diront les autres, plus versés dans le collage et qui auraient peut-être apprécié quelques entorses à l’esprit qui préside à ce disque perfectionniste et très ouvragé. Quoi qu’il en soit, à défaut d’esthétique fracassante, on tient là une bande originale convaincante pour errance urbaine contemporaine.
Chroniqué par
Mathias
le 23/11/2005