Adepte du jeu improvisé - qu’il a aussi bien investi aux côtés de
Peter Kowald que de
Lee Ranaldo -, le saxophoniste italien
Gianni Gebbia enregistra en avril 2003 un disque particulier. Aux côtés de
Matthew Goodheart (pianiste à l’intérêt partagé entre jazz et musique contemporaine) et de
Garth Powell (sorte de savant fou dédié aux percussions) a été construit
Zen Widow, patchwork fait de 17 propositions déroutantes.
L’improvisation en trio y est envisagée de différentes manières : privilégiant d’abord la brièveté du discours, avant d’interroger l’intérêt possible de la durée allouée à l’intuition. Sans concessions, les fulgurances prônent le minimalisme brut : claques distribuées par
Powell (
And I Want You To Know) contre jusqu’auboutisme des virulences offertes par
Gebbia (
Doha). Plus loin sur le disque, les pièces courtes accepteront l’entendement d’un swing goguenard (
It Was Meant To Inspire And Languish) avant de perdre la raison, quand les clusters de
Goodheart répondront aux instruments de plastique du percussionniste (
In the Old Familiar Places).
Aptes à régler leurs interventions selon le diapason d’une improvisation déjantée et agréable, il arrive parfois aux musiciens de se perdre un peu : sur quelque haut plateau exotique abusant de l’usage des gongs (
Folk Song) ou lorsqu’un désir de légitimité sérieuse les assaille, notamment sur le glacial et réverbéré
Zen Widow. Mais le tourment feint du morceau donnant son titre à l’entier album ne doit cependant pas effacer les pièces de choix que l’on trouve partout ailleurs.
Dépassant la minute pour obtenir 5 à 8 fois plus d’espace, les improvisations que sont
Ancora una Volta un Viaggio con Virgilio (l’embarcation de Dante poussée par les vents contraires et les entrelaces du piano et du saxophone),
Mistaken Poetry (où une approche classique du domaine règle son compte à l’harmonie avec le concours des perturbations rauques déposées par
Gebbia), ou
What We Just Couldn’t See (sur lequel
Goodheart gaspille ses gestes – devant, derrière, ou sous le piano -tout en économisant ses sons) font irrémédiablement pencher la balance. Déstabilisée, étrangère à la règle, celle-ci croule sous le poids de
Zen Widow, amas compact de chocs frondeurs et d’impacts dus au hasard.
Chroniqué par
Grisli
le 07/11/2005