De Benoît Burello, musicien qui se cache derrière le pseudonyme
Bed, on connaissait deux albums remarqués,
The Newton Plum et
Spacebox. Notre homme s’était alors fait connaître pour ses qualités d’artisan hors pair, joaillier ciselant une pop intimiste et personnelle, résolument individuelle. Pour ce
New Lines, troisième album,
Bed sort de son lit et va courir le monde, avec un album bien moins intimiste, bien davantage collectif, rock tout en gardant son noyau pop, et post-rock aussi, si l’on veut, dans sa façon de mettre en crise les structures, formats et modes de production habituels du rock.
Dans ce
Bed nouveau, la chose qui frappe immédiatement est la trace partout audible d’un travail collectif permanent. A la manière de
dEUS (
Midsummer Night Song), on entend toujours dans
New Lines le mouvement d’un groupe qui travaille de l’intérieur et à l’unisson ses chansons pop pour les étirer, briser leur format, le réinventer, dans une (al)-chimie mystérieuse qui procure justement le sentiment d’être débordé jusqu’à l’enthousiasme par son énergie cinétique, électrique et galvanisante. A l’instar du groupe belge (mais ne le citons pas trop, car cette vénérable référence pourrait devenir un fardeau), la musique de
Bed est à la fois cette vague lancée en un mouvement que rien ne semble pouvoir arrêter et ce rock qui joue à plaisir de la répétition hypnotique, du retour des mêmes motifs essentiellement rythmiques (
Satellites) sur lesquels viennent se greffer toutes sortes d’apports instrumentaux, et qui finit avec bonheur en longs crescendos monorythmiques évoquant
Can ou
Neu! (
Love In The West).
Les références prestigieuses viennent donc assez facilement à l’écoute de
New Lines : outre les groupes sus-cités,
Bed convoque les ombres de
Robert Wyatt et de
Sonic Youth pour cette capacité à maltraiter le son, à construire ses morceaux à partir d’instruments détournés. Ainsi de
Newsprint qui ne fait intervenir sa guitare qu’à partir de la deuxième minute et qui construit ses lignes de basses et ses phrases distordues (on dirait des guitares) à partir d’un piano saturé. De Wyatt,
Bed hérite d’une attention particulière apportée aux rythmiques, toujours hypnotiques, souvent impaires et déséquilibrées, gorgées de percussions en avant du mix et baroques dans leur foisonnement et leur présence.
Peu de reproches en définitive à formuler au sujet de cet album de très bonne facture, dépositaire de techniques diverses héritées d’un proche passé glorieux de la pop et de l’avant-rock mais détenteur d’un talent et d’une écriture authentiques, singuliers et personnels.
Chroniqué par
Mathias
le 27/10/2005