Roy Ayers, c’est un peu le pape caché du hip hop, le grand-père illégitime mais qu’on a tout de même tôt fait de réhabiliter à coup de samples : détourné, récupéré, cuté, il a imprimé sa marque secrète à bon nombre de morceaux de rap, il serait même le musicien le plus samplé par les DJ’s et autres platinistes. D’abord apôtre d’un jazz funky et vitaminé, tirant ses racines dans le hard bop des années 60, l’homme a mené une longue carrière, que d’aucuns ont jugé abâtardie par les sphères plus pop vers lesquelles elle se dirigeait sur sa fin, notamment en passant au chant.
Du temps a passé et le vibraphoniste est à présent, histoire oblige, l’objet d’un hommage semi-officiel, parce que paraissant un peu marginalement en vinyle, dans ces remixes du morceau
Holiday, même s’il s’est toujours défendu d’être une figure tutélaire du rap. Hommage rendu par
DJ Spinna, devenu lui aussi figure tutélaire du hip hop, et
Kenny Dope, qui tire de
Holiday une formule davantage house. Au final, un objet qui intéressera surtout les fans de
Roy Ayers et les DJ’s, puisque le tracklisting semble clairement conçu pour multiplier l’hommage et le diffuser :
Kenny Dope livre deux versions du morceau (
Kenny Dope Main Pass et
Kenny Dope Mix, assez semblables toutes les deux), la première divisée entre sa version chantée et sa version instrumentale, la seconde mettant en valeur le chant soul.
DJ Spinna livre lui aussi deux versions, l’une assez fragmentaire et excitante (
Broken Version), accompagnée de son instrumental, l’autre davantage centrée autour de la partie vocale (
Spinna Vocal) et – c’est le paradoxe, cela fera sourire – sa version instrumentale. Chacune de ces versions connaît donc plusieurs versions, comme si, en multipliant les possibles, on fournissait aux DJ’s, en éléments séparés, de quoi reconstruire à leur tour ce morceau et le diffuser selon des formules nouvelles.
Spread the word, spread the tribute, en quelque sorte.
Objet funky et groovy, qui nous replonge avec une certaine délectation dans le souvenir de l’original, ce disque a toute sa place dans un club mais est sûrement moins pertinent dans le cadre d’une écoute domestique : si la house jazzy de
Kenny Dope est efficace dans le cadre d’un dancefloor un peu oldschool, elle n’est guère originale et ne mettra pas le feu aux neurones. La contribution de
DJ Spinna est plus intéressante, qui conserve l’esprit original tout en s’efforçant de l’amener à quelque chose d’autre, de nouveau : toujours cette rythmique binaire, cette pulsation chaloupée, mais le tout organisé de manière plus dévertébrée, comme si, autour de cette solide charpente que forme le beat, le morceau avait explosé et n’existait plus que comme un battement-boucle épileptique sur lequel se greffent des riffs, des mini-soli – il y a un travail intéressant sur la grande brièveté de la plupart des éléments qui interviennent et la longueur déliée des phrases de vibraphone – des parties vocales, des nappes synthétiques, des chœurs scandant
Holiday ! à intervalle irrégulier.
Spinna Vocal, pour finir, est plus languide et moins foisonnante, et fait intervenir d’autres instruments et éléments, un fender rhodes, des vocalises soul, une rythmique plus stable (on entend mieux la basse). Une sorte de morceau chill out en quelque sorte. Et la promesse de moments musicaux tour à tour capiteux et groovy, dansants et plus sensuels qui, malgré le peu d’audace de l’ensemble (il s’agit d’un hommage…) comblera les fans et les amateurs de hip hop funky.
Chroniqué par
Mathias
le 23/10/2005