Lors de la sortie de
Sumday, dernier album en date de
Grandaddy, plusieurs fans s’étaient montrés déçus du virage pris par le son du groupe, abandonnant quelque peu les aires du lo-fi pour des arrangements plus arrondis. Répondant à ces réactions, Jason Lytle – chanteur du groupe – rappela tout de même que ce son lo-fi n’était pas seulement un choix, mais avait été imposé par un manque de moyens, financiers s’entend. La sortie aujourd’hui du EP
Excerpts from the diary of Todd Zilla rassurera – voire ravira – sans doute les déçus de
Sumday.
Grandaddy y oublie en effet les bonnes manières de studio pour un retour vers les virées à mobylettes fauchées de ses premiers opus.
Composé de sept morceaux enregistrés "à la maison", ce EP renoue avec les premiers travaux du groupe, fonctionnant comme un carrefour revendiqué entre la pop sautillante et tubesque de
Under the Western Freeway (et son hit
AM 180) et les ambiances plus éthérées de son successeur
The Sophtware Slump. Un retour comme un amuse-bouche avant un album à venir pour le début de l’année prochaine, que le groupe présente comme plus ambitieux, parlant de morceaux plus denses et longs.
Les nostalgiques d’
Under the Western Freeway seront conquis par les très pop et enlevés
Pull the curtains et
Florida. Le premier démarre tout en calme et mélodie, jusqu’à l’apparition d’une rythmique tonitruante et d’un synthé aux effets spatiaux résolument kitsch. Les guitares saturent alors et la voix de Lytle abandonne ses tonalités mélancoliques pour les joies d’une pop lo-fi, assumant encore un cri résolument rock’n’roll avant le pont des guitares. Tube. Quant à
Florida, le morceau démarre directement sur un rythme plus sautillant encore, véritable ballade pour l’été, jusqu’au refrain plus inquiétant, puis énervé, où Jason Lytle se lâche complètement dans une diatribe rageuse. Poursuivant sur le même modèle en dents de scie, la chanson oscille entre pop ensoleillée et rock plus noisy, passant allègrement d’un solo d’harmonica à des guitares enrayées, flirtant avec le taping. Re-tube. Entre ces deux morceaux, Grandaddy aura déployé une poignée de titres moins évidents, renvoyant aux passages les plus mélancoliques et éthérés de
The Sophtware Slump. De
At my post à
F**k the valley fudge le disque amorce un virage plus planant, entre nappes synthétiques, accords de piano et cordes discrètes des guitares (l’exemple le plus frappant de cette formule est sans doute
Cinderland). Une atmosphère comme en suspens, flirtant avec l'ennui, qui se referme sur plus d’une minute du bruit de moteur d’une tondeuse à gazon en arrière-plan (où une débroussailleuse peut-être) entrecoupée d’un seul bref accord de piano. Enfin, le EP se referme sur le superbe
Goodbye?, petit bijou de songwriting guitare/voix, berceuse subtile de fin de parcours, qui s’envole dans sa dernière partie grâce à un chœur spatial pour un dernier flirt avec les étoiles.
Si ce EP reste bien en-dessous des albums du groupe, c’est surtout qu’il n’en a jamais eu la prétention. Cette collection de chansonnettes faites maison avec les moyens du bord ne doit sans doute être prise que comme une carte postale du groupe, sans prétention ni ambition, envoyée pour donner des nouvelles et faire patienter avant la sortie du successeur de
Sumday. Un modeste recueil d’extraits (pour reprendre le titre du EP), où se frictionnent plaisir et envie, qui offre son lot de réussites (les tubes patentés), de dérapages jouissifs (la voix de Lytle) et d’égarements post (ou pre) partum.
Chroniqué par
Christophe
le 27/09/2005
