Inespéré il y a un peu plus d’une année – le dernier chapitre discographique du groupe semblait devoir être la compilation
No More Loud Music –, le retour de
dEUS a commencé à se profiler suite à ses concerts dans les festivals de l’été en 2004, tournée prolongée encore à l’automne. Cette année voit donc la sortie d’un nouvel album du groupe belge le plus passionnant de cette dernière décennie, six ans après le superbe
The Ideal Crash.
Quatrième album du groupe,
Pocket Revolution propose aussi une quatrième incarnation de
dEUS. Des musiciens présents sur l’initial
Worst Case Scenario ne subsistent plus que Tom Barman et son fidèle violoniste Klaas Janzoons, entourés pour l’occasion de trois nouveaux acolytes. Malgré ce jeune line-up, c’est un groupe aguerri et mature que l’on découvre sur l’album. Cela est aussi bien dû à la tournée qui a précédé – où le
dEUS nouveau aura eu le temps de se rôder – qu’à la présence de multiples invités, issus du passé du groupe (Stef Kamils Carlens, Craig Ward, Danny Mommens).
L’album débute par
Bad Timing, morceau de bravoure de près de sept minutes, dont l’ambiance rappelle directement celles développées sur
The Ideal Crash, avec des guitares un peu plus en avant tout de même et un son plus puissant. Suit l’impeccable single
7 Days, 7 Weeks, une de ces ballades acoustiques qui virent en effets spatiaux – le pont des guitares au milieu du morceau – dont
dEUS a le secret. Plus rock et énervé,
Stop-Start Nature surprend par sa fausse première fin, qui voit la voix de Barman réapparaître après quelques secondes de silence, entre monologue et spoken-words (un effet qui semblait avoir été abandonné depuis
In a Bar Under the Sea) soutenue par une rythmique pavlovienne du plus bel effet. Tube en puissance,
If You Don’t Get What You Want relance la machine, simple et efficace, avec certaines sonorités qui peuvent rappeler les autres Belges de
Soulwax. Après cette ouverture éclatante, le second tiers de l’album paraît fatalement un peu plus fade, sans pourtant s'éloigner de cette orfèvrerie pop/rock qui caractérise les compositions du groupe. Le superbe
Include Me Out et l’épique
Pocket Revolution – sur lequel vient s’égosiller Stef Kamils – se dégagent tout de même comme d’incontestables réussites. Le premier est une pop-song racée dans la plus pure lignée des compositions de
The Ideal Crash, alors que le second se développe sur un tempo aéré jusqu’au refrain, où le chœur prend le contrôle. La dernière triplette de titres permet encore un incroyable redécollage de l’album, jusqu’à retrouver les sommets du quarté d’ouverture.
The Real Sugar sonne comme une pop-song raffinée, berçante à souhait et subtilement rehaussée par les arrangements de Janzzons. Puis démarre
Sun Ra, peut-être le meilleur morceau de cet album, qui se construit autour d’un sample vocal répété en boucle et d'un saxophone entêtant, dans une longue intro aux accents rageurs, où se frictionnent rock brutal et free-jazz égaré. Le chant de Tom Barman y fait merveille, entre murmures et répétitions, renforcé une fois encore par son alter-égosilleur Stef Kamils. Enfin, c’est
Nothing Really Ends qui clôt l’album, repêchée de la compilation
No More Loud Music. Une ballade superbe, dont les chœurs fragiles rappellent ceux du
Leonard Cohen des sixties, et qui trouvent ici sa place dans la discographie du groupe, plutôt que de la cantonner à un rôle ingrat de bonus passé inaperçu.
Avec ce
Pocket Revolution,
dEUS reviennent aux affaires de la plus belle des manières. Sans renier le passé du groupe, ce nouvel album s’en inspire pour mieux s’en libérer, faisant fît par instants de la perfection trop glacée de
The Ideal Crash pour retomber dans les excès de guitares post-grunge de leurs débuts. S’il ne s’agit pas du meilleur album du groupe – pari difficile à relever après le premier tiercé gagnant initial –
Pocket Revolution s’impose comme l’un des meilleurs disques rock de l’année, mêlant compositions travaillées et mélodies accrocheuses. Espérons simplement qu’il s’agit là du premier chapitre d’une nouvelle histoire et non d’un chant du cygne, d’un baroud d’honneur si réussi qu’il ferait naître les regrets.
Chroniqué par
Christophe
le 23/09/2005