Après avoir écumé les terres arides de l’electronica et de l’abstract hip hop (avec le projet
Abstrackt Keal Agram ou en solo), dessiné la bande son d’une pièce de théâtre (
Hamlet), produit pour d’autres (
Sole) et depuis peu ravagé quelques pistes de danse hautement fréquentables (ses derniers DJ sets),
Tepr remet tout à plat, ses envies refoulées ou jusqu’ici inassouvies, ses penchants et références, explosant sans demi-mesure le carcan dans lequel nos cerveaux adeptes de catégorisation l’avaient enfermé.
Tepr change, évolue, refuse de se cantonner à un style.
Tepr est le miroir de son époque, une époque protéiforme où le plus mainstream des producteurs n’a parfois rien à envier au collègue underground, une époque où l’efficacité se dessine autant sur un synthé vintage que par un réinvestissement dément de l’éternel kick-snare-charley.
Avec en ouverture le parfait
Muchas tetas, poco sexo, le Rennais te met une grande claque derrière la tête, t’arrache à ton sofa avant de distiller dans tes veines la dope que tu n’espérais plus : un beat profilé qui s’affiche, une jouissive montée en puissance de la basse étouffée, un martèlement incorruptible, c'en est trop pour toi … Mais déjà, sur un beat eurocrunk,
Chantez! invite un
Cuizinier inspiré et assuré à imposer le terrain du clash game et de l'ego trip . "Est-ce qu'il t'arrive d'avoir du charisme ?" : une punchline parmi toutes celles qu'il aligne dans une surenchère désarmante, accélérant régulièrement le débit pour ensuite mieux revenir à l'aisance railleuse qu'il est le premier à vanter - "le flow de Cuizinier se bat / le flow de Cuizinier est là / et cherche l'or". Nouveau morceau de bravoure, tubesque et épuisant.
Tits, Yeyo & Yum Yum, malgré une construction plus prévisible, ravit par ses atours so cheap, synthés rutilants en avant, à la manière d’une caisse aux chromes clinquants, tandis que le crapaud funk de
The shape of punk s'offre des breaks d'inspiration industrielle, ici rehaussés à la sauce "hands up". La traque, cette fois tribale (les percus cheaps de
Thunderdome), se poursuit à base d'accroche crunk et de modulations d'ondes obsédantes, jusqu'aux ultimes dérapages d'une vrille néo-acide. En bout de course, enfin,
RLM délaisse sa basse pour jouer au guitar-hero, moulinant ses montées électriques dans un remix d'un aérodynamisme forcené.
Néons fluos sur l'épaule,
Tepr résume le futur et nous réconcilie avec le passé en une synthèse haut de gamme du meilleur du présent, retournant le dancefloor à grand renfort de gimmicks imparables, volés de sources ghetto, eurocrunk, electro-tech et rendus à l'éclat d'une énergie neuve par le maquillage des effets les plus contemporains… Vitesse, ivresse, urgence, évidence : cultivant avec style arrogance calculée, références assumées et hédonisme décomplexé, l'après french touch a de quoi épater et fédérer à nouveau.
Chroniqué par
Oropher & Will
le 31/08/2005