Maxi Ruiz et
Fra Soler, les deux barcelonais connus sous le nom de
Ferenc , sont des vieux de la vieille, et des malins. Après plus de 10 ans de dee-jaying (pour Fra, le membre principal), ils ont ainsi compris deux choses : 1/ la musique électronique est un éternel recommencement, et 2/ la prochaine tendance sera à la trance, à la manière du label Border Community, c'est-à-dire hypnotique sans psychédélisme.
Si l’on sent toujours, notamment dans l’écriture des tracks et leur volontaire sobriété mélodique, l’influence des
Joey Beltram et consorts de la scène hard-techno new-yorkaise des années 90, clairement revendiquée dans le tube qui les a fait connaître en 2003,
Yes Sir, I Can Hardcore, cet album élargit les influences du groupe, sans que l’on puisse déterminer s’il s’agit là d’opportunisme ou d’un souci de refléter le riche parcours musical des deux membres. Il puise en effet à la fois dans la techno « classique » de Detroit, la techno minimale allemande actuelle, l’acid et surtout la trance.
Et on peut s’émerveiller qu’un album aussi clairement référencé, faisant presque penser à un disque-hommage à 15 ans de dance music, sonne aussi moderne. Ainsi sur l’assez bouleversant
Sandia on ne peut s’empêcher de penser à l’époque d’
Acid Eiffel lorsque, après une longue introduction mentale et hypnotique, la TB 303 se met à pleurer, noyée dans les nappes de synthés. Et pourtant ce morceau n’aurait pu sortir qu’en 2005 tant la production sonne actuelle.
La plupart des morceaux de l’album jouent à peu près sur le même registre, basses analogiques bien rondes, nappes de synthés glacées et glaçantes, sur lesquelles se greffent des boucles acides ultra-basiques mais à la texture triturée en constante évolution et/ou des riffs de synthés old school, pour un résultat minimal et trancey, tantôt mental, tantôt extatique mais toujours hypnotique.
L’ensemble est sauvé de la monotonie par la relative brièveté du disque (10 titres seulement), par son aspect progressif (les morceaux les plus orientés dancefloor, tels
Fuet ou
Acidorro étant concentrés à la fin du disque, tandis que les morceaux d’ouverture jouent sur un registre un peu plus émotionnel), et par la bouffée d’oxygène que constitue
Vinagreta, morceau trouble et sensuel, bancal et enivrant, porté par la voix rauque, profonde et monocorde de
Jennifer Cardini, sur fond de bruits de vagues.
On a là au final un disque solide, qui vainc au bout de quelques écoutes toutes les réticences de l’auditeur quant à la résurgence actuelle de sonorités trance qu’on croyait oubliées depuis 10 ans, et qui, s’il n’est assurément pas un disque majeur, reste tout de même LE disque de l’été pour tous les amateurs d’electro dancefloor minimale.
Chroniqué par
Pek
le 03/08/2005